que pour le mieux perdre. Ce sentiment n’est pas
si outrageux au Mareschal du Turenne qu’au
Prince de Condé : Ils pretendent donner à entendre
par ce faux bruit qu’ils font courir, que le
Prince a esté vainqueur, parce que Turenne a
voulu estre vaincu : dans ce iugement le Prince
trouue la honte de n’estre vainqueur que par l’indulgence
de son vaincu : & Turenne trouue la
gloire de n’auoir iamais changé & de n’estre vaincu
que pour laisser son premier maistre vainqueur :
ce iugement est il raisonnable ? il faut l’examiner.

Quoy qu’il en soit, la trahison n’est iamais glorieuse.
La parolle engagée est l’attachement de
l’honneste homme : s’attacher aux interests d’vn
homme par serment, & les abandonner par souplesse,
c’est ce qui est à naistre parmy les Braues :
quelque meschant que soit le party, si nous nous
y iettons, il est de l’honneur que nous le soustenions
auec fidelité.

Le Marechal de Turenne a pris le party Mazarin :
ie pense qu’il l’appuyera en homme d’honneur : le
Prince n’a pas besoin que ce Maréchal le fauorise
pour luy laisser emporter les victoires : Turenne
n’a iamais mieux fait que lors qu’il a esté sous le
Prince, & le Prince n’a iamais mieux fait que lors
qu’il a esté sans Turenne : le Prince est trop iustement
hautain pour agréer vn laurier qu’il n’eut
coupé que par l’indulgence de son vaincu : Il compteroit
cét auantage parmy ces pertes ; & ne voudroit
qu’vne action dont il ne seroit obligé qu’à la
complaisance, entrast dans le nombre de celles
que les Braues luy enuient :

Ceux qui font Turenne d’intelligence auec le