Fortin, Pierre (sieur de La Hoguette) [1650], CATECHISME ROYAL. , françaisRéférence RIM : M0_653. Cote locale : A_9_2.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 19 --

il y a douze ou quinze ans les limites de son Estat de ce costé-là,
en font maintenant vne partie ; Que ses conquestes vont au delà
du Rhin ; Que l’Alsace, la Lorraine, & vne partie de la Comté sont
à elle ; Que les Alpes, ny les Pyrenées ne sont plus les frontieres
de l’Italie, ny de l’Espagne ; & que le sang le plus pur de sa Noblesse
qui fume encore, est le prix de cette nouuelle estenduë de son
Royaume. Enfin, SIRE, les Gentilshommes sont les Martyrs de
vótre Estat ; & le Corps de vótre ancienne Noblesse n’auroit pas
duré si long-temps, si la vaillance & la vertu qui a fait les premiers
Gentils hommes, n’en eust fait de nouueaux, pour remplacer les
dommages des guerres, & quelquefois auec vn si heureux succez,
que nous voyons souuent cette Noblesse naissante, qui s’est faite
elle-mesme par sa propre vertu ressembler à ces maisons neufues,
dont les auenuës sont belles & bien allignées, & dont la veuë & la
demeure est plus riante & plus commode que celle de ces vieux
Chasteaux negligez, qui sentent le rance & le reclus, & qui sont
décheus auec le temps par la faineantise des possesseurs, de cette
premiere beauté qu’ils auoient. Et certes il ne faut point qu’on trouue
estrange cette vicissitude de conditions, elle n’est qu’vne dépendance
de celle que nous voyons en la Nature ; & il n’y a pas plus de
merueille de voir esleuer en haut vn homme, qu’vne vapeur ; soit
qu’vne puissance superieure les attire à elle, ou que l’vn & l’autre ait
en soy-mesme le principe de son esleuation Ne nous flattons point :
Ces noms illustres que nous voyons encores subsister, ne se sont
maintenus que comme la Nauire Argos, auec de nouuelles pieces
d’applique qui les ont renouuellez de temps en temps. Ce n’est pas
neantmoins qu’on ne doiue regarder auec plus de respect & de veneration
l’ancienne Noblesse, que la nouuelle ; mais il faut que le
merite l’entretienne. Qui se relasche aux actions de vertu, quitte
son rang volontairement ; & si le Soleil d’hier n’estoit consideré
que par sa lumiere passée, & qu’il n’en eust plus aujourd’huy, la
memoire de sa clarté se perdroit auec son vsage. Ce fondement
posé, que la Noblesse ait tiré sa premiere origine de la Vertu, ie ne
sçay d’où nous est venuë cette fausse illusion, que ce ne soit pas y déroger
que d’estre vicieux. Vn Gentilhomme sera faineant, yurongne,
pillard, & insuportable à ses païsans, sans courre fortune de
sa qualité, & il la hazarde s’il fait le moindre traffic. La Loy (ce
me semble) est trop seuere en l’vn de ces deux poincts, & la Iustice
ne l’autre trop indulgente.

 

Page précédent(e)

Page suivant(e)


Fortin, Pierre (sieur de La Hoguette) [1650], CATECHISME ROYAL. , françaisRéférence RIM : M0_653. Cote locale : A_9_2.