Balzac, Jean-Louis Guez de [?] [1649], LA HARANGVE CELEBRE FAITE A LA REYNE SVR SA REGENCE. , françaisRéférence RIM : M0_1544. Cote locale : A_4_17.
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pas seulement vostre simple protection, elle a
besoin encor de vos caresses.

 

Il y a vne certaine amour de pitié qui commence
par la douleur, & qui s’allume des larmes & des maux
d’autruy ; mais quand les maux nous touchent de
prés, & qu’en vn mesme sujet nous rencontrons ce qui
souffre & ce qui est en nous, la nature se sentant alors
frappee par vn second coup redouble sa chaleur auec
sa compassion. Et d’ordinaire nous cherissons dauantage
nos enfans malades, que nos enfans qui se portent
bien.

V. M. Madame, cognoist ce foible de la nature, sans
lequel elle tiẽdroit plus du sauuage que de l’humain,
& ces relasches de la vertu qui ne s’opiniastre pas
tousiours dans la fermeté. Elle sçait que les peres
sont quelquefois durs & rigoureux, & ne sont pas
pourtant mauuais peres, mais que si les meres manquent
de tendresse & de douceur, elles manquent des
qualitez qui leur appartiennent de droit naturel, &
qu’elles ne peuuent perdre sans perdre le nom de
bonnes meres.

Sur ce fondement nous appuyons nos coniectures
& nos discours, & peu s’en faut que nous n’écriuions
l’Histoire des choses qui ne sont pas encor arriuées.
V. M. estant tres sensible aux afflictions de ses sujets,
& souffrant le mal qu’elle void souffrir, elle sera tres-aise
de s’oster de deuant les yeux des obiets qui luy
blessent egalement les yeux & le cœur, & son interest
luy doit conseiller de faire cesser les miseres que sa
compassion luy approprie, qu’elle luy porte iusques
au fonds de l’ame, qu’elle luy rend communes au milieu

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Balzac, Jean-Louis Guez de [?] [1649], LA HARANGVE CELEBRE FAITE A LA REYNE SVR SA REGENCE. , françaisRéférence RIM : M0_1544. Cote locale : A_4_17.