Anonyme [1649], SECOND DIALOGVE, ENTRE LE ROY DE BRONZE ET LA SAMARITAINE. Sur les affaires du temps present. , françaisRéférence RIM : M0_1090. Cote locale : A_2_59.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 4 --

Auant ce coup d’Estat, dis-ie, le plus grand & le plus beau qu’on ait iamais
veu ; qui de nos amis ne craignoit, ou de nos aduersaires n’esperoit
nostre perte dãs les subjets apparents qu’ils auoient ou de la craindre,
ou de l’esperer du Ministere tyrannique de ce rauisseur de nostre
Monarque ? Pour ne point parler encore de ce qu’il a faict, auant mesme
que iamais il se fust meslé de rien. Quel augure pouuoit-on tirer,
par l’Estat qu’il alloit gouuerner, qui ne fut sinistre, de la cõnoissance
qu’on auoit, ie ne diray pas des hõteux degrez par où ceux qui le cõnoissance
l’ont veu monter au rang des Princes de l’Eglise, ny mesme
de sa vie de peut qu’il en rougisse (s’il luy reste encore tãt soit peu de
pudeur) mais de sa bassesse & de sa naissance, qui deuoit autant l’attacher
aux interests de l’Espagne, que son Ministere à ceux de la Frãce ?
s’il ne pouuoit ny sans loüãge nous estre desloyal, ny sans blasme nous
estre fidele : puis que ou loyalement perfide à sa patrie, ou perfidement
loyal à la nostre, il ne pouuoit estre ny bõ Espagnol sans estre mauuais
François, ny bon François sans estre mauuais Espagnol. Ie veux que
de ces deux déreiglements le dernier auãtageux à l’Estat pût arriuer
aussi-bien que l’autre, quelle durée, grand Monarque, ou quelle fermeté
deuoit-on attendre d’vne fidelité, qui n’auoit autre fondement
que la perfidie ? Et pouuoit on raisonnablement conceuoir, qu’il pût
bien garder à des estrangers vne foy mal gardée à des compatriotes ?
C’estoit-là, grand Monarque, ce que nous en deuions augurer ; Et si ce
fut aussi ce que nous en augurasmes, nous n’auons esté que trop bons
deuins. Qu’il démente mes discours, s’il a démenty mes presages,
qu’il a pris plaisir à ne rendre que trop veritables ; & qu’il nomme
l’autheur des maux de la France, s’il ose soustenir qu’il ne le soit pas.
H. Des maux de la France ? S. Ouy Sire. H. Ie ne doute point qu’elle
n’en ait souffert ; & que si peu qu’elle en souffre encore, elle n’en souffre
que trop. Mais sont-ils si grands qu’on les fait ? Et l’estat de nostre Frãce
est-il si déplorable qu’on me le dépeint ? S. Il l’est encore dauantage,
grand Monarque. Et ie ne doute point, que si nostre incomparable
Regente, à laquelle il est voilé, venoit à le voir, eust-elle vn sein
de bronze, comme vous & moy ; ce triste & tragique spectacle ne coutast
quelque souspir à son cœur tout Royal, & quelque larme à ses yeux
vrais Astres de nos destinées. Elle ne verroit que de funestes marques
de l’inhumanité, dont son Eminence écorche des Brébis, que sa
Maiesté se contenteroit de tondre, comme a fait autresfois la Vostre,
grand Monarque, & des rauages qu’a faits dans les Prouinces desolées,
Page précédent(e)

Page suivant(e)


Anonyme [1649], SECOND DIALOGVE, ENTRE LE ROY DE BRONZE ET LA SAMARITAINE. Sur les affaires du temps present. , françaisRéférence RIM : M0_1090. Cote locale : A_2_59.