Anonyme [1649], LA RENCONTRE D’VN GASCON ET D’VN POITEVIN, LES FANFARONADES DE L’VN, ET LES CONTINVELLES RAILLERIES DE L’AVTRE. DIALOGVE. , françaisRéférence RIM : M0_3346. Cote locale : C_9_61.
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qu’on alloit trabailler à la circonbalation de Piombino, ô
Diou que ie fus surpris, & que iou conçeus de deplaisir en
mon cœur iou fus quelque moment inconsolaule : mais
comme ie bis qu’il ne me serboit de rien de m’affliger, &
que i’abois assez de temps pour me rendre au siege, iou
resolus de partir promptement. Cinq de mes havis
estoient faits, il n’y auoit plus qu’à attacher quelques vastes,
& quelques voutons à mon bestement, dont le pourpunt
estoit de chamois tout vrodé d’or, & la gregue d’escarlatte
en mesme vroderie, quand quittant tout ie laissay
à mes balets le soin de ses nipes, auec ordre de me benir
trouberau campde Piombino ; ainsi iou pris la poste, &
me rendis vien-tost à ce siege.

 

Le Poit. Voila bien la plus grande impatience, dont
i’aye iamais ouy parler, replique Alcidon en se mocquant.
Ce que c’est de la valleur, du courage, & du desir d’aquerir
de la gloire ! il ne faut pas demander si vous fustes bien
receu des Generaux de l’armée, & si tout vostre équipage
ne vous alla pas ioindre selon vos ordres.

Le Gas. Personne ne fuit plus la confusion que iou fais,
& cela fit que quand ie bis que ces Illustres Generaux
consideroient les personnes qui leur rendoient leurs deboirs,
ie resolus de iuo ne me point faire connoistre à eux,
de crainte d’estre importuné d’accepter quelque éminẽte
charge. Pour mes gens, & mon équipage, tout bint vien
à von port iusques prés du camp, mais par la mort de
mon Escuyer qui m’aboit serbi en mes dix duels, qui fut
attaqué, & tué par vne troupe d’Ennemis, tout me fut bolé ;
car le reste de ce naufrage s’estant boulu sauber se trouba
entre les mains des Espagnols, qui s’en emparerent.
C’est pourquoy bous me boyez si mal monté, & si mal
bestu. Six autres chebaux que i’abois achepté vien cherement
au camp, m’ont tous esté tuez dans les comvats que
nous abons eu à ce siege, & ailleurs.

Le Poit. Les hommes extraordinaires comme vous,

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Anonyme [1649], LA RENCONTRE D’VN GASCON ET D’VN POITEVIN, LES FANFARONADES DE L’VN, ET LES CONTINVELLES RAILLERIES DE L’AVTRE. DIALOGVE. , françaisRéférence RIM : M0_3346. Cote locale : C_9_61.