Anonyme [1649], DECISION DE LA QVESTION DV TEMPS. A LA REYNE REGENTE. , françaisRéférence RIM : M0_871. Cote locale : E_1_127.
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l’effort & l’excez de ses souffrances, luy qui proteste de precipiter
en Enfer, ceux qui leur auront refusé du pain en leur necessité ?

 

Ah, Madame, ce ne sont pas les maximes de l’Euangile ! Et il
est bien estrange, qu’au mesme temps, que tout Paris est prosterné
dans les Eglises, en la presence de Iesus Christ, exposé sur les Autels,
pour demander à Dieu la conseruation de vostre Majesté, & la prolonguation
de sa vie, vous defendiez sous peine de la vie, de leur
rien apporter ; afin que dans huit iours vous offriez à la mort, vne
Hostie de quatre cent mille vies ! Cependant qu’ils crient à Dieu,
du plus profond de leur ame, qu’il conserue le Roy, vous prononcez
l’Arrest pour leur rauir, par le plus cruel Tyran de la vie, qui est la
faim. Vous demandez leur mort, cependant qu’ils ne souspirent
que pour vostre vie. Vous appelez les Estrangers pour les oprimer,
sçachant bien que les vrays François n’auroient pas assez de cœur
pour se souler du sang de leurs compatriottes, auec tant d’inhumanité,
cependant qu’ils prouoquent les Anges de vous estre fauorables.
Et vous mettez les armes en la main de la colere, du despit, de
la perfidie, de l’auarice & de l’interest, pour couper les testes & les
mains, qui sont esleuées vers le Ciel, afin d’implorer son secours
pour la santé du Roy, pour la prosperité de ses armes contre ses ennemis,
pour le repos & la tranquillité de son Estat, & pour l’heureux
succez de vostre Regence. Ainsi faisant vn crime de leurs vœux, &
vne impieté de leurs prieres, vous changez les louanges qu’ils meritent
en injures, les recompenses honorables en suplices : & comme si
ce n’estoit pas assez de leur oster la vie, vous voudriez leur rauir
l’honneur & la conscience si vous pouuiez, en les faisant passer pour
rebelles & factieux, & tout cela auec Iustice, & sans apprehension
d’offencer, non pas mesme veniellement.

Ie suplierois volontiers V. M, Madame, qu’elle demandast à ces
Casuistes admirables, l’explication & l’intelligence de l’histoire tragique
de Naboth, qu’ils luy raportassent auec fidelité, quel en estoit
le sujet, quels en furent les acteurs, le commencement, le progrez,
la fin & la suitte, ainsi que nous l’apprenons de l’Escriture Saincte.
Naboth auoit vne vigne qui luy appartenoit, & non pas au Roy : Les
François ont des biens qui leur appartiẽnent, & non pas à leur Prince,
quoi que veüillent dire les faux Ministres, & les perfides Partisãs.
Le Roy voulut auoir la vigne de Naboth, par le seul motif de ses
plaisirs, les Ministres sous l’authorité du Roy, ayant desia rauy plus

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Anonyme [1649], DECISION DE LA QVESTION DV TEMPS. A LA REYNE REGENTE. , françaisRéférence RIM : M0_871. Cote locale : E_1_127.