Anonyme [1649], DECISION DE LA QVESTION DV TEMPS. A LA REYNE REGENTE. , françaisRéférence RIM : M0_871. Cote locale : E_1_127.
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Calices, & au Cyboire où repose le Corps de Iesus Christ ? sans
parler des autres Prophanations insolentes & sacrileges, qui y ont
esté commises ? Et puis l’on dira que cela est iuste ! Et puis l’on
asseurera vostre Majesté, qu’il n’y a point matiere de peché
veniel ! Va flateuse, mais sacrilege & abominable Theologie ! Allez
esprits de tenebres, instrumens d’Enfer, demons deguisez,
Athées execrables. Si l’on va au Ciel par cette voye, quel chemin
faut-il tenir pour aller en Enfer ? Si l’on opere son salut parmy
les vols, les meurtres, les viols, les rauages, les sacrileges ;
quelles actions faut-il faire, pour fabriquer sa torture, & trauailler
à sa damnation ? Si c’est la conduite qu’il faut tenir, pour viure
auec les Anges & les bien-heureux ; Enseignez nous celle, qui
rend les hommes compagnons des diables, afin que nous taschions
de l’euiter ?

 

Mais il semble, Madame, que ie voy vostre Maiesté rougir, &
d’vn mouuement de colere, respondre, qu’elle ne participe point à
tous ces crimes, ausquels elle ne voudroit pas mesme penser : qu’elle
ne les a point commandez, au contraire, qu’elle les improuue
& les deteste. Ie ne doute point qu’il ne soit ainsi : mais mon souhait
seroit, que cette excuse, quoy que veritable, fust legitime deuant
Dieu, pour le repos & la descharge de vostre conscience. Ouy,
Madame ! Et pleust à Dieu que ce fust assez pour satisfaire à cette
supreme Iustice, deuant laquelle les Roys ne sont pas plus fauorablement
traittez que les autres hommes.

Mais vostre Maiesté est mieux instruite que cela, elle sçait trop
bien, & ses Directeurs ne peuuent pas dire le contraire, que les fautes
des seruiteurs sont imputées au Maistre, lors qu’il les peut corriger,
qu’il le doit & ne le fait pas. Qu’Eli dans l’Escriture mourut
malheurẽusement, pour auoir toleré les crimes de ses enfans.
Que les Loix Diuines & humaines, punissent les Capitaines, pour
les outrages causez par leurs Soldats, encore qu’ils ne soient pas
commis en leur presence, qu’ils les deffendent, & qu’ils en ayent
du desplaisir. Que les Princes sont responsables de toutes les sautes
de ceux qui agissent sous leur conduite. Et encor qu’ils n’ayent
point de Superieur de la Iustice duquel ils releuent, & dont ils apprehendent
les chastimens, leur condition en cela en est d’autant
plus dangereuse, plus à craindre & plus à plaindre, qu’ils ont pour
Iuge de leurs actions celuy qui en est le tesmoin. Que le mesme

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