Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
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Cependant le pieux Enée,
Qui veut employer sa iournée,
Presente à sa guide la main,
Et tous deux vont leur grãd chemin.
Ils estoient prés de la riuiere,
Quand par deuant ou par derriere,
Charon, qui les vit aborder,
(Iugez s’il se prit à gronder)
S’écria renfrogné de rage,
D’où nous vient ce nouueau visage ?
Qui m’ameine ce fanfaron ?
Espere-il dupper Charon ?
Alte là ! tu serois vn diable,
Que si tu branle, ie t’accable.
Cà, çà, qu’on t’entende chanter,
Qui te fait icy presenter ?
Vous pensiez auec vos espades,
Venir faire des gasconnades ?
C’est icy le lieu de la nuit,
Il ne s’y meine point de bruit,
Et les ombres qui s’y reposent,
N’aiment ceux qui troubler les osent.
Retournez-vous-en, beau coquet,
On n’a point icy le bouquet,
On ne courtise point nos filles,
Vous n’estes pas icy chez Gilles,
Chez les Baigneurs, chez Martial,
Aux Marais, dans le cours, au bal,
Il n’est point icy de coquettes,
Ny pour vn double de fleurettes,
Il ne s’y fait point de cocu,
Allez, & tournez moy le cu :
Aussi bien vous seriez mon frere,
Que ie ne pourrois pas vous plaire,
On m’a deffendu tres-souuent
De passer rien qui soit viuant ;
Et mes deffenses les dernieres,
Portent sur peine d’estriuieres :
I’auois passé de ces marauts,
Que vous appellez des Heros,
Vostre petit frippon d’Alcide,
Ie ne sçay si i’estois timide,
Et si sa mine me fit peur,
Ou plustost s’il gagna mon cœur,
Mais en faisant le bon Apostre,
Ce chien de Heros, prit le nostre.

Il enleua
Cerbere.


Tous ces coquins venus des Dieux,
La plus part n’en valent pas mieux :
Tesmoin ce goujat de Thesée,
Qui pensa chose fort aisée,
Auec son amy Pirython,
De rauir la femme à Pluton.
Ie songe encor à ces infames,
Qui croyoient débaucher nos fẽmes,
Vouloient-ils ces luxurieux
Donner le Pennache à nos Dieux ?
Pretendoient-ils les miserables
Faire les cornes à nos diables ?
On ne les peut punir assez,
Ces godelureaux, ces Vas.
Qui de Madame Proserpine,
Vinrent faire vne Fueillantine.
La guide crût qu’il seroit bon
De coupper là, Monsieur Charon.
Ne vous fachez point, vieil Rodrigue,
Nous ne venons pas pour intrigue,
Et moins pour faire des Nepueux,
Des chastes femmes de nos Dieux :
Nos armes sont pour la deffence,
Non pour aucune violence :
Cette espée à nostre costé,
Vous marque nostre qualité,
Et si nous en portons, c’est comme
En doit porter vn Gentilhomme.
Que vos chiens tant qu’il leur plaira,
(Maudit soit qui s’en soucira)
Hurlẽt, pourueu que l’on mette ordre
A ce qu’ils ne nous puissent mordre :
Que la bonne femme à Pluton,
Proserpine, soit chaste ou non,
Qu’elle soit seuere ou facille,
Nous le ietterions à croix-pille.
Monsieur est vaillant comme Mars,
Mais ce n’est point de ces pendars,
Qui vinrent dans vos Republiques,
Pour rendre vos femmes publiques.
Son propre nom, c’est Æneas,
Son surnom, ie ne le sçay pas ;
Il est de Nation Troyenne,
Et de race fort ancienne :
Il demande à voir son Papa,
Que la parque noire attrapa :
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Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.