Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
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Pollux a pû rendre à son frere,
Vne place sur l’Hemisphere,
Et ses deux freres tour à tour,
Se prestant l’vsage du iour,
Se disent souuent l’vn à l’autre,
Ce iour mien sera demain vostre,
Sans que pourtant ces trop heureux,
Se puissent rencontrer tous deux,
Car de ces freres de merite,
L’vn meurt quand l’autre ressuscite.
Ils y vont quinze fois le mois,
Et ie n’iray pas vne fois ?
Voulez-vous que i’allegue Alcide,
Plus renommé que l’Eneide ?
Parleray-je de Theseus ?
Si pour couurir vostre refus,
Vous dites qu’on fit vne faute,
Ou que ces hommes de la coste,
De quelque Dieu sont descendus :
Et moy mieux que tous ces pendus,
En ligne perpendiculaire,
Du costé de ma chaste mere,
Propre neueu du grand Iupin,
Me prent on pour vn Turlupin ?
Æneas poussoit sa harangue,
Et ioüoit des mieux de la langue,
Quand la Sybile à ce qu’on dit
En ces termes luy répondit.
Pouppon de la race celeste,
I’auray donc beau vous dire peste,
De ce qui se passe là bas,
Vous ne vous en esbranlez pas ?
Mais voulez vous que ie vous die,
Pour moy si i’auois telle enuie,
I’en aurois le contentement :
On y peut aller aisément,
A pied par vn chemin sans pierre,
En carrosse, par eau, par terre,
Vous ne sçauriez pas aller mal,
Suiuez Monsieur le C.....
C’est vne routte fort commode,
Qui passe pour estre à la mode,
Où l’ou vient de tous les endroits ;
Routte bien que ie nommerois,
Si ma Muse estoit libertine,
Vue Routte à la Ma......
Ne craignez point d’arriuer tard,
On n’en a que trop tost sa part :
Nuit & iour la porte est ouuerte,
Elle l’est trop pour nostre perte,
Et l’on n’en ferme les battans,
Qu’aux mal-heureux qui sont dedãs,
Car vouloir tourner le derriere,
Mettez cette pensée arriere,
Les plus pagnottes ont l’honneur
D’y deuenir des gens de cœur :
Dans cette maudite contrée,
On ne prend point de droit d’entrée,
Mais d’en reuenir quand il plaist,
Ma foy c’est là que le Diable est.
Peu d’hommes que Dieu predestine,
Où germe la grace diuine,
Fort peu de disciples d’Arnaut,
Fort peu qui pretendent là haut ;
Ou qui pour y porter leurs quilles,
Reçoiuent assez d’vstencilles.
Pourtant si vous vous obstinez,
A rendre visite aux damnez,
Et dans vostre souhait burlesque,
d’aller voir cette gent Moresque :
Promò, i’impreuue vos desseins,
Secundò, i’en laue mes mains,
Tertiò, ie dis qu’vne plante,
Pour son ombrage sort plaisante,
Porte vne branche toute d’or,
Laquelle branche est vn thresor :
Elle est sacrée à Proserpine,
Comme il n’est rose sans espine ;
Vn bois haut la met à couuert,
Par son feüillage en tout temps vert.
Quelqu’vn dit que des arbres sõbres,
Cachent la branche de leurs ombres,
N’esperez iamais sans ce don,
Voir le Domaine de Pluton.
Sa femme qui veut qu’on luy porte,
A mis des Suisses à la porte ;
Au reste prenez hardiment,
Puis qu’vne autre en mesme moment,
Vient en la place de l’absente,
Qu’au naïf elle represente.
Regardez bien de coin en coin,
Ayez lunettes au besoin,
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Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.