Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 17 --


Quand mesme l’orgueilleuse Troye,
Eust esté vostre raba-ioye,
Ne l’auez vous pas mise à bas,
Nosseigneurs ne poursuiuez pas.
Si Paris vous a treuué laide,
Madame Iunon, quel remede ?
S’il a médit de vos gallants,
Si dans Troye on porta des glands,
Contre vostre expresse deffence,
Pour chastier cette insolence,
L’auez-vous pas bloquée ? helas,
Ma Reine, ne nous tuez pas.
Et toy Prophete si iolie,
Accorde à mon sort l’Italie,
Donne moy pour asseoir mes Dieux,
Ie suis las de courre auec eux :
Alors ie iure qu’à Diane,
Et qu’à Phœbus le Diaphane,
I’y feray bastir vn Palais,
Le plus riche qui fut iamais :
Que i’y feray chommer sa feste :
Et pour toy ma chere Prophete,
Ie : y donne vn grand cabinet,
Dont le paué sera bien net ;
De plus ie t’achepte vne malle,
Si ton cahier est encor salle :
Et si tu conduis bien ma nef,
Va i’y feray faire vne clef,
Où i’y commanderay des gardes,
Ainsi que si c’estoient mes hardes :
I’y commettray des Officiers,
Qui changeront tous les quartiers,
Seulement tiens les en bon ordre,
Que le vent n’y puisse point mordre,
Et porte-les, quand sera fait,
Debiter chez Toussaint Quinet.
Tandis que mon Heros demeurs,
A discourir le long d’vne heure,
Il ennuye à ceux qui sont là,
Et la Sybille pour cela
N’en paroist point plus mitigée,
Elle fait encor l’enragée :
Elle écume, elle se débat,
Ronge l’our let de son rabbat,
Tache par force & par addresse,
[illisible] le Dieu qui la presse.
Mais ce Dieu rit de ses efforts,
Il est le maistre de son corps,
Il la traisne, il la persecutte,
Il la bransle, il la culebutte,
En vn mot il a le pouuoir,
De la remettre en son deuoir,
Car malgré son humeur farouche,
Il luy fit trois points à la bouche,
Et luy racommoda le lieu,
Par où parla ce maistre Dieu.
Des ja ces roches toutes seules,
Ouurent leur centaine de gueulles,
Et par ces cent differents trous,
L’oracle se diuise à tous :
O le plus à plaindre du monde,
Leur dit il, le balot de l’onde,
Æneas, pauure Iodelet,
D’Eole cét esprit folet,
Prenez vne constance neuue,
Endossez cuirasse à l’épreuue,
Courage encore pour vn moment,
Ie vous promets contentement,
Les Troyens verront l’Italie,
Et Lauinia la iolie ;
Mais las ! si tost ils n’y seront,
Que s’en retirer ils voudront,
La mer qui leur semble importune,
Sera leur que de vous plus de trois
Ie sçay que de vous plus de trois
S’y mangeront le bout des doigts,
Qu’ils y feront piteuse trogne,
Car c’est bien pis qu’en Catalogne,
I’en voy plus aller chez Pluton,
Qu’à la prise de Charenton :
Ie voy le Tibre qui ne roule,
Que testes, bras, iambes en foule :
Ie le voy tout fumant de sang,
Que vous versez de vostre flanc,
Et dans cette image sanglante
Ie l’ay pris pour vn second Xante ;
Vn braue, vn Mars, tel que Condé,
Vn nouuel Achille mandé,
Né comme l’autre de Deesse,
Retiendra le pain de Goneffe,
Et vous fera mille tourments :
Pour lors vous verrez si ie ments ;
Page précédent(e)

Page suivant(e)


Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.