Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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conseruer. Il faut faire executer les Arrests que vous auez donnez contre
cet Ennemy public, qui par vostre tolerance, de mesprisé qu’il estoit est
deuenu formidable : qui a les armes à la main pour acheuer d’opprimer ce
qui vous reste de liberté, & qui fait tous ses efforts pour releuer vne maison
dont l’authorité a tousiours attenté sur la legitime. Il est temps de chasser
de l’Estat celuy qui en est la peste, d’oster le Gouuernement à celuy qui en
est incapable, qui en est indigne, qui le trahit, qui est ennemy des gens de
bien, hay de Dieu & des hommes, qu’il offense par ses parjures & par sa perfidie,
qui se sert de la misere publique pour releuer son ambition, pour
acheuer ses pernicieux desseins : qui met toute l’esperance de sa conduite
dans les trahisons : qui fait naistre vne guerre de l’autre : qui ne veut point
finir l’estrangere, qui recommence la ciuile : Enfin qui nous a poussez si
bas, qu’au dessous de nos miseres il n’y a plus que la mort ou la seruitude.
Que s’il est besoin, ce que ie ne pense pas, d’adjouster la consideration de
vos interests à celle du bien general : Sçachez qu’il a destiné vostre ruïne
s’il peut acheuer la nostre. Qu’il ne pense pas iamais estre en seureté que
vous ne soyez perdus, & qu’il croit que vostre perte luy sera facile, lors
qu’il vous aura priuez de tout ce qui vous peut garantir. Agissez donc pendant
qu’il en est encore temps : N’imitez point ceux qui souhaittent bien
que la tempeste ne les écrase pas, & qui cependant se contentant de leurs
vœux, ne taschent point à s’en garentir. Ne vous laissez pas preuenir par
celuy à qui vostre seule crainte peut oster la sienne, & vous oster encore vostre
authorité. Prenez garde qu’en vous des-vnissant ou par vostre mutuelle
deffiance, ou par ses caballes, & cherchant chacun des protecteurs particuliers,
vous ne destruisiez la force de vostre Corps. N’attendez point que
l’vn ou l’autre commence, vnissez vous contre l’ennemy de tous. Ayez assez
de hardiesse pour faire ce que vostre conscience vous conseille. Et enfin ne
doutez pas que si en vn temps où vous estiez separez d’interests & de sentimens,
il ne vous a pû nuire ; il ne vous soit fort aisé de le perdre & d’en deliurer
la France, quand vn si bon dessein vous aura bien assemblez. Et puisque
les Espagnols ont declaré solemnellement que ne se pouuans fier au
Cardinal Mazarin apres tant de perfidies, ils ne vouloient point traitter la
Paix auec luy, & qu’ils n’entendroient iamais à aucune proposition d’accommodement,
que Messieurs mes freres & Monsieur mon mary ne fussent
libres. Puisque par ce moyen la Paix de la France est attachée à leurs
personnes & à leur liberté : puisque enfin c’est auec vne iniustice extrême
qu’on les retient en prison : Ayez la gloire, MESSIEVRS, en leur arrachant
leurs fers, de rendre la tranquillité à vostre Patrie & le repos à la
Chrestienté. Si vous haïssez le crime, empeschez qu’on n’en commette plus
long-temps vn si cruel contre leur innocence. Si vous aymez la vertu, soulagez
celle de ces Princes, si vtile & si glorieuse à la nation. Sauuez nostre
Maison de sa derniere ruine : Sauuez-là d’vne calamité d’autant plus déplorable
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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.