Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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qu’ils se soient adressez à vous. Le sieur d’Arnolfini vous a exposé de la
part de Monsieur l’Archiduc, qu’il seroit rauy de la receuoir par vos mains,
mais qu’il ne vouloit point qu’on en donnast la moindre part à celuy qui
ne s’en vouloit mesler que pour empescher que les autres ne la fissent. Et
il est vray aussi que le Cardinal Mazarin publioit si fort la repugnance
qu’il auoit à la conclurre : Que lors que Monsieur de la Moussaye fut enuoyé
à la Cour de la part de Monsieur mon frere, pour y proposer le Siege
de Dunkerque, & qu’entre les raisons qu’il apportoit pour la faire agréer,
il y mesloit celle du poids que cette conqueste pourroit apporter à la Paix.
Ce Ministre auec vn sousris mocqueur, en vn sujet qui a cousté tant de
sang, & tant fait verser de larmes ; ayant pris dans sa poche cette lettre
dont nous venons de parler, & qui luy apportoit la Paix, luy dit en luy
montrant, Ie tiens la Paix dans ma main : mais dittes à Monsieur le Prince
que ie ne la veux pas faire. Ces paroles peuuent-elles estre assez punies ? &
y a-t’il aucun crime entre les hommes qui puisse egaller les funestes effets
qu’elles ont produites, dont nous auons tant pâty, qui desolent encore
nostre miserable Patrie ? Et se peut-il que cét homme destiné par l’ire de
Dieu pour la punition de nos fautes y soit encore souffert ? qu’il y soit honoré ?
qu’il y gouuerne ? que le soing de l’Estat se repose sur luy qui en est
le destructeur ? Est-il possible que pour ce seul homme : mais MESSIEVRS
quel homme ? la France, l’Espagne, l’Europe demeurent dans le trouble,
dans la misere, & dans la calamite ? Que nous ayons souffert pour luy les
derniers malheurs des guerres Ciuiles ? Que nous soyons prests de les endurer
encore ? Quelle honte ! quelle horreur ! mais quelle impudence au
Cardinal Mazarin qui se sent coupable de ce forfait si grand, que nulle
punition ne le sçauroit égaller ? D’en oser accuser Monsieur mon frere ?
luy qui par ses victoires & par ses conquestes auoit contraint les Espagnols
à s’accommoder de la sorte que vous auez veu, & qui quelques
iours auant sa prison auoit declaré à la Reyne, que le Cardinal Mazarin
continuant à empescher la Paix, il seroit obligé de l’y contraindre par le
seruice qu’il deuoit au Roy, & par la consideration du bien de la France.
Ie m’assure que sa Majesté ne refusera pas d’appuyer de son témoignage
cette verité qui nous est si importante, & qui luy est si cogneuë. Et si le
Cardinal Mazarin auoit quelque conscience, il confesseroit aussi que ce
desir de la Paix qu’il voyoit à Monsieur mon frere, & ce dessein de l’acheuer
que ce Prince publioit hautement, l’ayant intimidé, luy qui ne
craint rien dauantage, l’ont poussé en suite à executer contre luy son attentat,
qui est si estrange, qu’il laisse encore douter si en le commettant
il n’a pas fait plus de mal à l’Estat qu’à nostre Maison.

 

Ce sont là, MESSIEVRS, les choses dont on accuse les Princes : Et
ie pense que ie vous ay amplement fait voir combien les vnes sont foibles :
combien les autres sont fausses : combien elles sont toutes faciles à refuter.

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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.