Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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qu’il commanda nos Armées, qui fut l’année 1648. lors que les ennemis
attaquoient Furnes, & qu’il s’agissoit ou de la secourir ou de la perdre,
tous les Officiers qui opinerent poussoient Monsieur mon frere au premier
party. Soit qu’ils eussent dessein de luy tesmoigner leur courage ; soit qu’ils
crûssent tomber dans son sens, soit qu’ils estimassent aussi qu’on peust reüssit
à cette entreprise. Le Cardinal Mazarin loing du peril trouuant tout
aisé dans son Cabinet, & ne se souciant point de l’Estat, luy écriuoit qu’il
combattist ; Mais luy qui auoit à respondre d’vne Armée dont il ne pouuoit
hazarder encore le Royaume : qui se voyoit plus foible que l’Ennemy, &
qui jugeoit sagement combien il estoit dangereux de l’attaquer, campé
dans des postes que les Marests & les Canaux fortifioient assez d’eux-mesmes,
outre le trauail des hommes : dompta sa valeur, laissa perdre
Furnes deuant ses yeux : Et conseruant ainsi son Armée lors que les trouppes
qui venoient d’Alsace l’eurent joint, & qu’il eust trouué les Ennemis
en pleine campagne, il leur donna cette fameuse Bataille, où il les deffit
proche de Lens : prenant si judicieusement son temps pour les charger,
que cette action fera tousiours l’admiration des grands Capitaines. Et à
dire le vray, cette importante victoire rendant à nos affaires la fermeté &
la reputation nous auroit remis en estat d’obtenir vne Paix, plus auantageuse
que iamais si le Cardinal Mazarin n’en auoit point perdu le fruit ;
lors qu’au milieu des graces que vous en rendiez à Dieu, il enleua Monsieur
de Broussel, & fit vn iour funeste, du iour d’vn Triomphe si salutaire
à la France. Si pourtant ce n’est pas assez d’vn exemple si notable, afin
de monstrer que Monsieur le Prince a tousiours preferé les interests de
l’Estat à sa gloire, & qu’il ne l’a iamais considerée que pour la rapporter
au bien public, la leuée du siege de Lerida n’en est-elle pas vne preuue inuincible ?
Il pouuoit emporter cette place s’il eust voulu ruiner ses trouppes.
Le Cardinal Mazarin selon son imprudence ordinaire, sans examiner
rien & sans rien cognoistre, luy écriuoit de donner Bataille, & le pressoit
de tout hazarder, plustost que de se retirer de cette entreprise. Ce Prince
plus prudent que ce Ministre, ne creust pas son mauuais Conseil, il renonça
volontairement à la Victoire, & par cette action de moderation qui
conseruoit ensemble & la Cathalogne & les trouppes, merita le nom du
plus sage Capitaine de son siecle, comme il auoit desia celuy du plus valeureux.
Mais pourquoy nous arrester à ces exemples ? Puis qu’il est vray,
que non seulement il n’a iamais donné de Batailles, mais qu’il n’a pas fait
le moindre siége, sans en auoir eu de la Cour vn ordre exprés par écrit.
Ce qui est si veritable, que nous en auons les preuues, & que nous les donnerons
bien-tost au public. Ie pourrois bien sur cét article me plaindre de
l’injustice qu’on luy fait. Ie pourrois dire qu’on ne le traitteroit pas plus
mal s’il auoit perdu nos Armées, que de luy reprocher des Victoires qui
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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.