Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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Il falloit qu’il eust quelque soin de la bien-seance. Qu’il ne transportast
pas si legerement les fondemens d’vne Souueraineté de l’extremité de l’Italie
aux frontieres des Suisses, & du milieu des terres aux derniers bords
de l’Ocean : de Naples à Dole, & de Dole à Grauelines. Le plan de cette
domination deuoit estre vn peu mieux pris & plus fixe. Enfin il ne falloit
point assembler tant de desseins pour en persuader vn seul : Les Estats ne
se forment pas comme les Chasteaux en Espagne : & le Cardinal Mazarin
qui est si habile à les destruire, & qui ébranle si souuent les fondements
du nostre, n’entend guere la science de les établir, ny de les conseruer ;
Mais j’insiste trop long-temps sur des choses, qui estant absolument fausses,
n’ont besoin que d’estre simplement niées.

 

L’affaire de Liege merite vne plus serieuse reflexion, puis qu’il faut
montrer de quelle sorte le Cardinal Mazarin a abandonné les interests de
l’Estat en cette rencontre ; soit qu’il ait reçeu de l’argent pour le faire, comme
disent quelques-vns, soit qu’il les ait negligez selon sa coustume, soit
qu’il en faille accuser son auarice ou son imprudence. Il est necessaire de
prendre cette affaire dés son origine, si nous la voulons bien esclaircir, &
de la raconter en passant pour en faire voir la consequence, mais le plus
succinctement qu’il sera possible.

Le païs de Liege plein de Villes, abondant en Peuples, fertile en toutes
choses, scitué entre l’Allemagne & les Païs-bas, recognoist son Euesque
pour Prince. Toutesfois la domination du Souuerain est fort limitée : Les
Priuileges des Bourgeois & l’authorité des Magistrats que le peuple eslit,
donnent à la ville de Liege les auantages des Republiques. Il y a dans son
obeïssance plus de deuoir que de seruitude. Lors que l’on commença la
guerre auec l’Espagne, cette Souueraineté se trouuoit dans la Maison de
Bauiere, où elle est encore, & l’Electeur de Cologne estoit deslors Euesque
de Liege. Ainsi les secours de ce païs estoient ouuerts à nos ennemis,
ils y tenoient leurs armées, ils y faisoient leurs recruës, ils y prenoient
leurs quartiers, ils s’y déchargeoient d’vne partie de la guerre. En ce temps
le Cardinal de Richelieu voulant leur oster de si grandes commoditez, ou
du moins les rendre communes par vne Neutralité, & se fondant sur les
anciennes alliances dont nos Roys auoient honoré les Liegeois, enuoya
vn Resident dans leur Ville, y fomenta vne faction, y affoiblit la puissance
de la Maison d’Austriche. Et il y a beaucoup d’apparence qu’il alloit
obliger ce peuple à passer dans les interests de la France, qui luy donnoit
sa protection : & à laisser le party des Bauarrois, dont la domination estoit
deuenuë formidable par vne longue succession : Les Liegeois ayant lieu de
craindre que desormais les Euesques ne prissent successiuement dans cette
Maison, & que la liberté de l’eslection estant ostée ils ne vinssent ensuitte
à perdre les droits de leur liberté. Il y auoit dis-je tout lieu d’attendre
vn fauorable succés de leur disposition, lors que nos ennemis afin d’aporter

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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.