Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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qui a veu que le seruice de ces gens de guerre vous estoit asseuré, aussi bien
que l’amitié inuiolable du Prince dont ils portoient le nom, a voulu
vous affoiblir en ne les restablissant pas ; la leuée n’a point esté donnée aux
Compagnies d’Ordonnance, il a empesché qu’on n’ait fourny le suppléement
necessaire pour acheuer les trente Compagnies du Regiment qui est
demeuré imparfait, iusques au iour où toutes ces troupes, que vous pouuiez
appeller vostres ont esté licentiées. Il ose cependant les reprocher, luy
qui les a ruinées, il l’ose faire en parlant à vous, dont il a negligé l’interposition,
dont il a mesprisé l’authorité, ne vous fait-il pas vne injure ?
Mais quand le Traité de Ruel auroit esté pleinement executé pour ce sujet ;
quand le Prince qui vous a l’obligation de luy auoir voulu rendre ses
troupes, vous auroit encore celle de les luy auoir conseruées, ie n’estime
pas que vous puissiez souffrir sans colere, que le Cardinal Mazarin que
vous connoissez, luy en reprochast vn nombre si peu considerable, luy
qui a cinq Regimens de Caualerie, d’Infanterie, de François, d’Italiens,
& d’Allemans : C’est à dire vne armée, luy qui a des Gensd’armes, des
Cheuaux-legers, luy qui a des Gardes, mais qui les a à Paris, où le premier
Prince du Sang demeure comme vn particulier ; mais qui les a dans le
Louure, ce qui est vne chose à laquelle les enfans de France n’oseroient,
ie ne dis pas pretendre, mais seulement songer. Nostre seruitude est bien
lasche, nos mœurs sont bien corrompuës, si nous endurons cette insolence,
& s’il nous reste quelque honneur, nous deuons bien rougir de la
honte que nous fera l’histoire des autres peuples : Car ie n’estime pas que
la nostre ose raconter vne si grande infamie. Ie sens bien, Messieurs, que
ie parle auec quelque émotion ; mais à dire le vray, il est difficile de garder
le temperamment sur vne chose de cette nature. Vous mesmes sans
doute supportez auec impatience, ce mespris de la dignité Royale, & ce
des-honneur de nostre Maison, & vous partagez auec moy ce zele qui
ne peut endurer que l’on blesse si honteusement l’authorité Souueraine.
Ie sens bien encore que i’auray peine à souffrir l’article qui suit sans m’en
plaindre. On accuse Monsieur le Prince d’auoir reçeu de notables sommes
d’argent, ie veux que cela soit, il a fait aussi de grandes despenses à l’armée
pour les affaires de sa Majesté, pour ses equipages, pour sa table, pour
le reste des frais qui ne se peuuent separer de la Charge des Generaux. Où
voit-on aujourd’huy vn peuple qui entreprenne vne guerre, & qui ne
s’efforce pas de faire connoistre sa grandeur dans la splendeur de celuy qui
commande ses armées. Le Roy Catholique baille tous les ans vn équipage
superbe à Monsieur l’Archiduc, il luy dõne tous les mois quinze mil escus
pour sa dépense particuliere. Les Hollandois dont la discipline est reglée
traittent liberallement, ie ne dis pas leur General, à qui ils fournissent de
grandes sommes, mais les moindres Officiers de leurs troupes. La profusion
des officiers Allemans est immense, & c’est en ces occasions aussi que la
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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.