Provence, Pierre de [signé] [1649], LETTRE DE PIERRE DE PROVENCE A LA REYNE. En forme d’auis, sur ce qui s’est passé en son Pays. , françaisRéférence RIM : M0_2043. Cote locale : A_5_12.
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Il fut question de luy donner vn Gouuerneur, personne propre
à executer les desseins iniques du Ministre ; & parce que les Prouençaux
sont vn peu chauds, il leur falloit vn Gouuerneur violent &
hardy, pour les mettre à la raison, & les accoustumer à la tyrannie,
sans considerer leur impuissance & leur fidelité.

Il choisit le Mareschal de Vitry, hardy & entreprenant, mais
homme de bien, craignant Dieu, aymant la iustice, fidele à son Roy,
ennemy des tyrans ; Il ne prist pas garde qu’il auoit tué le Mareschal
d’Ancre, pour auoir entrepris sur l’autorité de son Maistre, & qu’il
auoit sujet de le haïr par la mesme raison : Aussi-tost qu’il fust dans
cette Prouince, & en eut recogneu les forces, comme tres-intelligent,
il acquist l’amour de tout le monde, & ne fut ennemy que de celuy
qui l’auoit employé, parce qu’il luy faisoit voir, auec la liberté d’vn
homme d’honneur & d’vn fidele suiet : qu’elle estoit incapable non
seulement de donner du secours, mais mesme d’entretenir ses habitans
auec commodité.

Ie suis obligé de faire voir cette verité par vne petite description
de ce pays, sans m’esloigner beaucoup de mon discours.

La Prouence de fort petite estenduë, doit estre partagée en trois
parties, dont la premiere est absolument inculte, pour les hautes montagnes,
& grands rochers nuds & pelez qui la composent, lesquels ne
produisent ny herbes, ny arbres : & par ce moyen est inutile aux hõmes
& aux bestiaux : La deuxiesme contient certaines plaines areneuses,
où croissent quelques arbustes, qui ne sont pas mesme propres à bruler,
cette partie s’appelle Guarrique. Cét endroit a esté quelquesfois
cultiué par le soin des Paysants, qui y sont extraordinairement laborieux,
sans qu’ils en ayent eu autre profit que la perte du temps & des
grains qu’ils y ont semez : La derniere est bonne en certains endroits,
& en d’autres si maigre, qu’à moins d’vn trauail continuel, on a bien de
la peine d’en retirer quelque chose ; Les habitans sont si soigneux de
la faire valoir, qu’ils portent de la terre sur des rochers, laquelle ils arrestent
par des petites murailles pour en retirer ce qu’ils peuuent.
Cette partie qui est la meilleure, est encores ruinée par vne riuiere qui
la trauerse, appellée Durence, laquelle coule auec vne si grande rapidité,
qu’il n’y a point d’année qu’elle n’apporte du dommage dans la
Prouince, pour plus de cinq cens mille francs.

On fait communement raillerie de la frugalité des Prouençaux, &
de ce qu’ils sont fort sobres, il ne faut pas s’estonner si celuy qui n’a
rien, est auare : on ne voit dans ce pays, ny bœuf ny vache, & quand

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Provence, Pierre de [signé] [1649], LETTRE DE PIERRE DE PROVENCE A LA REYNE. En forme d’auis, sur ce qui s’est passé en son Pays. , françaisRéférence RIM : M0_2043. Cote locale : A_5_12.