Montmorancy, C. de [signé] [1650], LETTRE DE MADAME la Princesse Doüairiere de Condé, presentée à la Reine Regente. Contentant tous les moyens dont le Cardinal Mazarin s’est seruy pour empescher la Paix, pour ruiner le Parlement & le Peuple de Paris; pour tâcher de perdre Monsieur le Duc de Beaufort, Monsieur le Coadjuteur, Monsieur de Brousselles, & Monsieur le President Charton; par l’assassinat supposé contre la personne de Monsieur le Prince; & pour emprisonner Messieurs les Princes de Condé & de Conty, & Monsieur le Duc de Longueuille. , françaisRéférence RIM : M0_1954. Cote locale : B_4_22.
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tout expres en vn des quartiers de la Ville, d’où ie peusse
auoir commodément la veuë du Bois de Vincennes ;
vers lequel jettant à tout moment les yeux du haut d’vn
galetas, qui me seruoit de chambre, & decouurant cette
multitude de Tours & de pierres, qui enferment impitoyablement
mes chers enfans, & celuy-là mesme qui en a
tant renuersé d’autres, & de bien plus fortes, plus pour
vostre gloire que pour la sienne, j’apperceu, à mon grand
regret, qu’il estoit pourtant presque impossible que ce fameux
renuerseur de murailles peust abatre celles qui le
detiennent, & s’y faire vne glorieuse bresche pour luy &
les deux autres compagnons de son mal-heureux sort,
tant que mes ennemis, dont le cœur est plus dur que les
pierres mesmes, & que les murailles qui l’enuironnent,
se seruiroient injustement de vostre authorité pour les defendre
& les garder.

 

A cette funeste pensée, MADAME, ie fondis en
pleurs, & peu de temps aprés ce redoublement de ma
douleur, ie me sentis tout d’vn coup heureusement soulagée
par vne secrette inspiration, qui me vint ce me semble
de la part de Dieu, a qui j’ay toûjours recours dans
toutes mes afflictions, de presenter à Messieurs du Parlement
mes pleurs & mes gemissemens par vne Requeste,
à l’exemple des moindres personnes de vostre Royaume,
puis que mon malheur m’en mettoit du nombre, & que
j’estois si miserable que de n’auoir pas la liberté de vous
aborder pour la presenter à vous mesme, qui est toute enuironnée
de mes ennemis plus assiduëment que vous ne
l’estes de vos propres gardes. Ayant donc si precipitãment
dressé moy-mesme vne Requeste, qui concluoit en peu de
mots (ma douleur ne me permettant pas d’auantage) à la
seureté de ma personne dans la ville de Paris, & à la justification
de mes enfans & de mon Gendre, contre la violence
& les calomnies du Cardinal Mazarin. Le Mercredy 27.
d’Auril sur les cinq heures du matin, ie me rendis au Palais
à pied, suiuie seulement d’vne de mes femmes de

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Montmorancy, C. de [signé] [1650], LETTRE DE MADAME la Princesse Doüairiere de Condé, presentée à la Reine Regente. Contentant tous les moyens dont le Cardinal Mazarin s’est seruy pour empescher la Paix, pour ruiner le Parlement & le Peuple de Paris; pour tâcher de perdre Monsieur le Duc de Beaufort, Monsieur le Coadjuteur, Monsieur de Brousselles, & Monsieur le President Charton; par l’assassinat supposé contre la personne de Monsieur le Prince; & pour emprisonner Messieurs les Princes de Condé & de Conty, & Monsieur le Duc de Longueuille. , françaisRéférence RIM : M0_1954. Cote locale : B_4_22.