Mazarin, Jules [signé] [1649], LETTRE DV MAZARIN, ESCRITE A L’AGENT de ses affaires à Rome. , françaisRéférence RIM : M0_2119. Cote locale : A_5_62.
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pensions, Benefices, Gouuernemens & autres bien-faits, qui m’ont
acquis tant de creatures, ie sçauois bien que toute la France seroit
tenuë de me fauoriser à iamais, à cause des obligations qu’elle m’a,
quand ce ne seroit que pour luy auoir osté la source & la matiere
du luxe qui l’alloit corrompre. Les Cardinaux d’Espagne & de
son party ne me pouuoient pas manquer ; car ie vous auoüe entre
nous que i’ay tousiours fauorisé leurs desseins, comme ils ont bien
reconnu quand ie leur ay liuré Monsieur de Guise, & ils les prouueront
bien mieux à present que i’ay allumé expres vne guerre
ciuile pour leur donner moyen de faire leurs affaires, & qu’ils
voyent que pour leur ménager cette occasion ie les ay empeschez
durant cinq ans de faire la paix qu’ils vouloient à toute force : Ce
qui m’a dépleu en ces negociations, c’est que ie croyois les auoir
faites fort secrettemẽt ; Et cependant ces Messieurs du Parlemẽt
ont eu assez bon nez pour s’en apperceuoir, & me l’ont publiquement
reproché. Outre cela ie voyois bien que les François seroient
d’humeur à me chasser vn beau iour comme vn coquin,
sans attendre que i’eusse emply mes besaces comme i’auois fait
mon compte, apres quoy estant Italien comme ie suis, l’Espagne
ne pouuoit douter que ie m’en vengeasse à son profit tost ou tard ;
& certes ie ne désirerois maintenant d’estre Pape que pour excõmunier
à mon plaisir les Chantres du Pont-neuf, & les Colporteurs
qui ont publié l’Arrest du Parlement contre moy, & qui de
plus m’ont appellé Tabarin. Quant aux Cardinaux Italiens,
comme la nation est tres auaricieuse, i’eusse eu assez d’argent
pour en gagner la pluspart, & i’auois des niepces & vn neueu
pour acquerir l’amitié de ceux qui n’eussent pas esté suiets à l’argent.
Apres cela ie me tenois asseuré du support du peuple de
Rome, pource que i’y ay fait plusieurs connoissances durant ma
ieunesse, ayant tousiours pratiqué fort familierement anec les valets
& les artisants, comme le moindre d’entr-eux. Et que ne me
pouuois-ie promettre de l’adresse de mon pere, que vous sçauez
estre vn homme si populaire qu’encores maintenãt au lieu de boire
le vin François qu’on luy enuoye par present pour en faire part
au peuple, il aime mieux s’en priuer, & le vendre a pots à prix raisonnable.
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Mazarin, Jules [signé] [1649], LETTRE DV MAZARIN, ESCRITE A L’AGENT de ses affaires à Rome. , françaisRéférence RIM : M0_2119. Cote locale : A_5_62.