M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.
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qui vous esmeuue. Considerez aussi ce qu’elle a de laid
& d’affreux qui nous espouuante, & qui vous doit donner
pour elle autant d’horreur que de compassion.

 

Quand mesmes il pourroit arriuer que vous peussiez encor
luy conseruer des tendresses legitimes, à quoy pretendez-vous
que luy seruẽt les armes que vous auez prises, & le trouble
duquel vous nous menassez ? Ie veux que vous aimiez le
Prince de Condé iusques à ne vouloir plus de repos dans son
infortune, que pourriez vous faire autre chose que de vous
dre, & à quoy luy pourroit seruir vostre malheur ? S’il ne
vous aime pas vous feriez bien mal conseillé de vous precipiter
pour vn ingrat qui ne vous en sçauroit point de gré, &
s’il vous aime vostre fureur luy seroit bien cruelle, & au lieu
de donner remede à ses deplaisirs, vostre perte luy en augmenteroit
bien sensiblement la violence. De quelque sorte
doncques que vous puissiez considerer le Prince de Condé,
ou comme ingrat, ou comme recognoissant, vos desseins
vous seront mal-heureux sans luy estre vtiles : Vous ferez
beaucoup contre vous & rien pour luy ; & s’il faut vous asseurer
d’vne verité bien plus grande & bien plus considerable,
vous ferez encores autant contre luy que contre vous,
& le zele qui veut le seruir vous perdra tous deux ensemble.

N’auez vous iamais leu dans Plutarque, que Cesar desirant
passionnément le nom de Roy, & en ayant tesmoigné
quelque chose au peuple, il attira l’aduersion de tout le
monde, & se fit hayr par cette ambition autant que s’il eust
vescu modeste il se fut fait aimer. Ne vous souuenez vous
point que ses amis qui luy en donnerent le tiltre, furent emprisonnez ;
& qu’Anthoine qui particulierement luy en
voulut donner les marques, & luy ceindre le Diademe, sur
la Tribune mesmes des harangues, mit en si grand colere
tout le monde, qu’il fust cause sans doute de la conspiration
de Brutus, & de la mort tragique qu’il receut par la main de
ce digne successeur des Liberateurs des Romains.

C’est ainsi qu’on nuist bien souuent à ceux que l’on pretend
seruir, & que nostre affection est quelquefois est si

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M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.