M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.
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parole. Et de fait, s’il n’y auoit point de fidelité entre
nous, il n’y auroit non plus de confiance, & par consequant
point de societé, point d’vnion ; & cela n’est-ce pas
estre beste & cesser d’estre homme ; Car encores les bestes
mesmes ont quelque fidelité entr’elles, & sans parler elles
se sçauent tenir quelque sorte de parole. C’est ce qui fait
que celles de mesme espece ne sont pas farouches les vnes
aux autres, & qu’elles ont communication. Nous-mesmes
nous en appriuoisons quelques-vnes, & comme elles se fient
à nos caresses, nous portons vne mesme confiance à leur
amitié. Concluons donc que le dire d’vn certain ancien est
tres-veritable, que nous sommes mieux en la compagnie
d’vn chien que nous cognoissons, que d’vn homme duquel
la parole, & la fidelité nous est incognuë.

 

Il est donc vray qu’il n’y a rien de plus digne d’vn homme
& d’vn honneste homme que de tenir inuiolablement sa parole.
Cela toutefois, Monsieur, generalement posé, merite
bien d’estre pris en son propre sens, & vaut bien qu’on l’entende
auec des exceptions & des interpretations legitimes.
Vous imaginez-vous que les sermens qui se font contre la
loy Diuine, contre la loy Morale, contre la loy Naturelle
obligent ceux qui les ont faits ; & qu’on doiue estre scrupuleux
à rompre & à violer l’horreur de ces paroles prodigieuses
qui s’attaquent à la pieté, aux bonnes mœurs ou à l’ordre
de la Nature ? Certes, ce seroit vn renuersement estrange de
la raison de vouloir estre fidelle dans l’infidelité mesme, & de
vouloir garder encores sa conscience en l’abandonnant.
Celuy qui auroit iuré d’haïr Dieu & de tuer son pere, seroit-il
obligé à ce parricide & à cette impieté ? & ne faut-il pas
quand on parle de tenir sa parole entendre que c’est en choses
iustes & non pas dans les criminelles.

Cela estant, Monsieur, estes vous obligé d’estre si de le à
Monsieur le Prince, & la parole que vous pouuez luy auoir
donnée, & qui vous met la main aux armes, n’est elle pas vne
parole criminelle, puis qu’elle renuerse l’obeyssance que
vous deuez au Roy ? Ne vous ay-je pas desia dit que nostre

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M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.