M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.
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auoient, & de ce qu’ils auoient voulu rauir. Dans cet estat
malheureux il falut aller faire la cour à Auguste : il les receut
& leur pardonna, ils obtindrent de luy tout ce qu’ils luy demanderent,
& ils esprouuerent que la force est bien mal-heureuse
de nous vouloir conquerir ce que nous pouuons acquerir
par l’humilité. Herodes cet adroit & ce rusé Politique,
qui cognoissoit combien l’abaissement est puissant sur la puissance
mesme, ne demanda iamais rien aux Romains qu’il ne
l’obtint. Il sçauoit qu’à plus grands que soy, il vaut bien
souuent mieux faire pitié qu’enuie, & donner de la compassion,
que du courroux ; & la pratique de sa science luy fut si
heureuse, qu’il conserua tousiours de son costé la grandeur
Romaine, & la rendit funeste à ses ennemis. Ie ne veux pas
penser que cette vraye science des Courtisans vous soit incognuë,
il ny a pas d’apparence que vous fussiez estranger de
la Cour iusques à ce poinct. Il faut donc que vos armes
ayent vne autre cause, il ne se peut pas qu’auec vos cognoissances
vous puissiez commettre vne si grande erreur.

 

Est-ce point qu’encores que le succez de vos desseins
vous paroisse de cette sorte impossible, vous voulez montrer
vn exceds de courage dans cette impossibilité ? Si cela est,
Monsieur, arrestez là l’impetuosité de ce grand cœur, vn peu
trop ambitieux de gloire, puis qu’en ayant acquis de si legitime,
il en poursuit de si criminelle. Prenez garde que celle-là
que vous recherchez, ne soit vne meurtriere qui fasse mourir
celle qui est en vostre possession ; & ne faites pas comme
ces Marchands qui riches de leurs voyages d’Holande
& d’Angleterre, ambitieux d’aller iusqu’aux Indes, perdent
en vn moment par vn triste naufrage tout ce que leur vie
entiere leur auoit acquis. Ie vous aduouë que la vraye &
la plus lumineuse gloire est celle qui couste plus de peine
& qui se trouue aux plus grands dangers. Il ny a point
d’honneur à acquerir dans les combats là où il ny a point de
risque à courre ; d’où vient qu’en matiere de religion, les Romains
se sont imaginez qu’il y a du merite à gagner là où il
y a beaucoup de peine à prendre. Comme le feu semble

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M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.