Griveau, Martin [signé] [1649], LETTRE D’VN DOCTEVR DE L’VNIVERSITÉ DE PARIS, A la Reyne Regente à S. Germain en Laye. SVR LE SVIET DE LA PAIX. , françaisRéférence RIM : M0_1862. Cote locale : A_5_24.
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mépris de la raison, que la force estoit le principal instrument
de la Monarchie.

 

Il seroit à souhaitter maintenant que les termes aussi bien
que les choses sussent changez, & qu’au lieu de dire, Il est raisonnable,
parce que nous le voulons, on entendit dire desormais ;
Nous le voulons, parce qu’il est raisonnable. Cela nous feroit voir,
Madame, que vostre Majesté prend elle mesme connoissance
des affaires de son Royaume, & qu’elle ne commet point au
caprice ou ‘ la passion d’autruy, sa prudence & sa raison, qui
ne la rendent pas moins souueraine parmy les peuples, que la
Couronne, & les autres marques de l’authorité Royalle.

Cependant, Madame, nous auons veu depuis quelques annees
que toutes choses ont esté dans vn si estrange déreglement.
Que pour ne laisser pas imputer vne faute à vostre iugement,
il est comme necessaire d’en faire vne autre, & dire que
vostre Maiesté n’a rien sceu de tout ce qui s’est passé dans son
Royaume. Asseurément, Madame, vous n’auriez pas approuué
les exactions & les violences qui ont fait crier tous les peuples.
Tout le monde est tantost accablé ; chacun se plaint, personne
n’a les fonctions de sa charge libres : toutes choses sont
dans la confusion : Il n’est point besoin de specifier les maux
que les vns ont fait, & que les autres ont soufferts. Tous les
écrits qui se sont publiez depuis vostre depart de Paris, & qui
peut-estre auront esté iusques à vous, ne sont point remplis
d’autres matieres.

Vostre bonté iointe à l’experience que vous auez, auroit
sans doute il y à long temps apporté les remedes necessaires à
nos peines, si elles estoient venuës iusques à sa connoissance :
mais si on auoit iusques icy bouché toutes sortes de passages,
& fermé les auenües qui les pouuoient conduire iusques dans
vostre cœur mesme, il n’est plus maintenant possible que vous
les puissiez ignorer.

Il en est bien souuent du Corps de l’Estat, comme du corps
humain ; & comme les Medecins connoissent à la langue des
malades l’intemperie du dedans, il nous est bien aysé d’apprendre
la maladie de tout le Royaume, par la bouche d’vne

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Griveau, Martin [signé] [1649], LETTRE D’VN DOCTEVR DE L’VNIVERSITÉ DE PARIS, A la Reyne Regente à S. Germain en Laye. SVR LE SVIET DE LA PAIX. , françaisRéférence RIM : M0_1862. Cote locale : A_5_24.