Anonyme [1649], SONGE DV ROY. Admirable & Prophetique pour la Consolation de la France. Arriué le 15. de Mars 1649. , françaisRéférence RIM : M0_3688. Cote locale : A_7_33.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 5 --

il auoit son bras droit appuyé ; Il estoit en posture pour prendre vn
repos parfait, s’il n’eust esté importuné par vn grand nombre de
Vautours, de chiens, de chats, de rats & autres vermines ou insectes,
qui auec vn bruit estrange s’entre déchiroirent les vns les autres.
Il s’en vouloit fascher, lors qu’il void de loing venir vn hõme
qu’il n’a pas voulu nommer. Il le connoissoit bien, mais estant
proche de sa personne il ne le recõnut plus ; Il ny voyoit rien d’humain
que la face, encore auoit-il des difformitez monstrueuses
en ses dents ; & les autres parties de son corps sembloient estre
des parties des animaux les plus farouches & les plus dangereux.
Quoy que ce monstre les cachast auec grand soin d’vn grand manteau
qu’il portoit sur ses espaules, le Roy ne laissa pas d’en estre
effrayé. Il demandoit à sa Dame ce que cela pouuoit estre, elle
plus morte que viue ne luy pouuoit respondre : Dans ce trouble
il l’appella cent fois, tantost sa bonne mere, tantost sa pauure fille,
& enfin il tira de sa bouche cette parole, c’est Mantichora, nous
sommes perdus.

 

Cette beste farouche voulut flatter le Roy, & par quelques gesticulatiõs
ridicules vouloit diuertir sa frayeur ; lors qu’il fut obligé
par les cris lamentables de cette pauure desolée de l’embrasser
estroittement, & puis de la deffendre par toute sorte d’efforts, de
ces vermines, qui apres tant de bruit, d’vn commun accord, par
vn signe du monstre, s’estoient ruées sur elle. Ce Mantichora les
acharne & les halle de plus en plus, ces bestes donnent mesme sur
le Prince, & desia la miserable Dame auoit tous ses vestemens déchirez
& son corps outragé & ensanglanté en toutes ses parties,
& le Monstre d’vne gueule beante, sembloit la deuorer toute entiere ;
Lors qu’ils virent sur le fleuue le plus beau du monde, dont
les ondes moüilloient le pied du throsne, venir droit fil à toutes
voiles, vn Nauire qui portoit Themis & Mars. D’arriuée cette
majestueuse Princesse, fille du Ciel & de la terre, outrée de cholere,
monstre à Mars ce spectacle qui le deuoit animer à la vengeance.
Le Monstre eut l’audace de faire resistance, se sentant
frappé, il vomissoit autant de feu que de sang, & tantost tournant
sa rage mourante sur cette pauure Dame, il luy donnoit encore
de furieuses atteintes ; & tãtost voulãt fuyr, il dardoit de sa queuë,
qu’il auoit semblable à celle d’vn scorpion, des aiguillons tres dãgereux.
Pourtant il fut bien-tost escartelé, & les autres bestes
presque en mesme temps, sinon celles qui estant les moindres, se

Page précédent(e)

Page suivant(e)


Anonyme [1649], SONGE DV ROY. Admirable & Prophetique pour la Consolation de la France. Arriué le 15. de Mars 1649. , françaisRéférence RIM : M0_3688. Cote locale : A_7_33.