Anonyme [1649], QVESTION, SI LA VOIX DV PEVPLE EST LA VOIX DE DIEV ? , français, latinRéférence RIM : M0_2951. Cote locale : C_6_76.
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apparence qu’il les gouuernera plus doucement, & il n’y a
point de doute que selon toutes les apparences vn estranger
doit en vser de cette sorte. Pource qu’vn homme qui est appellé
au gouuernement d’vn Royaume, dont il ne fait point
partie, doit s’imaginer que tous ceux du pays sont autant d’enuieux
qui croyent qu’il occupe vne place qui leur est deüe, &
ainsi il doit s’efforcer bien dauantage de faire voir qu’il en est
plus digne qu’eux. Secondement, n’ayant aucun appuy de son
chef, il doit bien auoir plus de soin de se faire des amis, qu’vn
du pays, à qui la naissance, & ses alliances en donnent. En
troisiesme lieu, il doit auoir beaucoup plus de crainte qu’on
ne soit mécontent de luy, & qu’on ne se sousleue contre luy,
la qualité d’estranger pouuant seruir de pretexte au murmure,
& n’estant pas propre pour concilier l’amour, si elle n’est secondée
de beaucoup d’autres. Outre cela, il est encore bien
plus indifferent enuers tout le monde, & bien moins passionné
pour quelques-vns ; & ainsi il luy est plus aisé d’estre iuste,
& de ne se porter qu’à recompenser le merite. Comme aussi il
est pour l’ordinaire moins interessé, pource qu’encore qu’il
fasse venir quelques-vns de ses parens de son pays (ce qui seroit
inhumain, & de peu de naturel de ne pas faire) tousiours
n’en a-t’il pas vne si grande suite comme les autres, ausquels il
en naist à tous moments de nouueaux de toutes conditions, &
capables de toutes charges. C’est pourquoy Catherine de Medecis,
apres la mort du grand Duc de Guise François, ietta les
yeux sur Christophle Duc de Witemberg, estimé de ce temps
là pour sa prudence singuliere, l’enuoya prier de venir l’assister
de son conseil dans l’embarras où estoient les affaires de la
France pour lors, & luy en offrit l’intendance generale pendant
la minorité du Roy son fils ; preferant ce Prince estranger
à tant d’hommes illustres, dont la France estoit remplie pour
lors. Ce n’est pas aussi à cause que Monsieur le Cardinal Mazarin
est estranger, qu’on luy en veut ; c’est parce qu’il est Ministre.
La faueur n’a iamais esté sans estre enuiée ; & vn mesme
homme peut rarement acquerir l’amour du Prince, & l’amour
des peuples. De tout temps on a attribué tout le mal que faisoient
les Princes, aux Fauoris qui les approchent. Tacite remarque
que c’estoit la coustume du peuple de Rome. Et Diodore
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