Anonyme [1649], LETTRE ESCRITE A MONSIEVR LE COMTE DE PIGNERANDA, PLENIPOTENTIAIRE D’ESPAGNE, POVR LA PAIX GENERALE, SVR LE RETOVR DV ROY dans sa Ville de Paris: PAR VN FAMEVX RELIGIEVX de la Ville de Doüay. Traduite d’Espagnol en François. , françaisRéférence RIM : M0_2209. Cote locale : A_5_85.
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ny par les regles du sens commun ; mais par des voyes
secrettes aussi peu conneuës à nos entendemens, qu’elles
sont tousiours sensibles à nos volontez. Il n’est rien de meilleur
comme d’honorer de si profonds desseins par nos abaissemens,
& laisser dans la nuict & dans le silence ces hautes
veritez, qui profitent mieux quand elles sont bien ignorées,
que quand elles sont mal conneuës. Ie ne puis faire de reflexion
sur le peu de ressource qui arriue dans nos pertes, ny
à ce Destin qui a iusqu’icy esbloüy toute la prudence d’Espagne,
desarmé ses forces, troublé son actiuité, lassé sa patience,
confondu son raisonnement, sans aduoüer vn ie ne
sçay quoy dans la guerre qui est aussi peu préueu par les plus
sages, comme il est tousiours inestimable aux plus heureux.

 

Ie voy que ces foiblesses generales arriuent assez souuent
à la France, & que cette grande dilatation d’esprits
la meine parfois iusques dans la paralysie : mais d’où vient,
Monseigneur, que tant d’humeurs se resoluent si heureusement,
& que ce corps n’a pas si tost perdu son embonpoint
& son lustre, qu’il renaist presque de ses cendres, se releue
comme ce Geant, plus fort de ses cheutes, & sur le poids qui
l’accable ? Les eclipses y sont frequens, & les Astres y sont
assez malfaisans, sans que ce desordre y puisse produire rien
de fatal & d’extraordinaire : les orages y passent auec furie,
& semblent quelquesfois y détacher les rochers de leurs racines,
sans qu’il paresse d’autre dommage, que d’auoir engraissé
& r’affraischy les terres qu’ils ont touchées ? Les nopces
s’y font aussi-tost que les funerailles ; les tourbillons n’y
ont pas plustost couuert l’air, que les zephirs y arriuent pour
l’adoucir & le rendre serain : c’est vne merueille, Monseigneur,
qu’vn si grand desbordement ait passé si tost en modestie ;
l’aueuglement en choix, la licence & la fureur des
armes, en vne si parfaite tranquillité & vn calme si profond :
tant des seditieux, qui sembloient auoir conspiré auec les
puissances de l’Enfer, qui auoient presque estouffé les loix
& les actions de la Iustice, ont repris leurs places, comme

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Anonyme [1649], LETTRE ESCRITE A MONSIEVR LE COMTE DE PIGNERANDA, PLENIPOTENTIAIRE D’ESPAGNE, POVR LA PAIX GENERALE, SVR LE RETOVR DV ROY dans sa Ville de Paris: PAR VN FAMEVX RELIGIEVX de la Ville de Doüay. Traduite d’Espagnol en François. , françaisRéférence RIM : M0_2209. Cote locale : A_5_85.