Anonyme [1649], LETTRE ENVOYÉE A DOM FRANCISCO MARIA DEL MONACHO, Sycilien, Superieur des Theatins, Predicateur & Confesseur du Cardinal Mazarini. Où il est sommairement respondu aux Libelles diffamatoires jettez à Paris par les Ennemis de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2225. Cote locale : A_5_28.
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qu’elle estoit de s’attendre à la seule Prouidence de Dieu, & de ne demander
aucune chose. Le Roy iudicieux, leur dit : Mes Peres, vous estes
mal arriuez, car vous pourriez mourir de faim en ce Païs, pource que
les autres qui sont plus importuns, & ausquels l’Ordre permet de demander,
ont assez de peine de trouuer dequoy viure : Et ainsi s’en allerent.
Les Parisiens sont bons, mais ne sont pas si badauts, comme les
nomment les libelles iettez, qu’ils ne recognoissent fort bien les fourbes.
Vous auez assez d’esprit, d’eloquence & de credit pour vous faire
escouter en vne cause si iuste. Representez au Cardinal, qu’vne bonne
fuite vaut mieux qu’vne mauuaise attente ; son crime est de ceux que la
Iustice ne peut pardonner. Tous les maux arriuez par sa faute sont bien
grands, mais ceux qui peuuent arriuer sont bien plus à craindre. Ne
considerez pas ceux de nostre party, mais prenez garde qu’il met au hasard
deux grands Princes, qui ont gaigné tant de batailles, pris tant de
Villes, & sur lesquels nos ennemis n’ont iamais pû auoir aucun aduantage :
Prenez garde, dis-je, qu’ils ne tombent (dont Dieu nous preserue)
entre les mains d’autres Princes François, & comme ils sont tous courageux,
que les vns ne perissent auec les autres, & qu’en vn iour les François
mesmes ne se facent plus de tort, & ne reçoiuent plus de dommage
par leurs armes inuincibles à toute autre Nation, que plusieurs siecles ne
leur en ont pû faire receuoir par des Estrangers. Mais il y a bien plus, il
s’est fait Gouuerneur & tuteur d’vn Roy, encore ieune & tendre aux iniures
du temps, qu’il tire d’vn lieu couuert, d’vn lieu commode, d’vn lieu
asseuré, pour l’exposer en plein-hyuer, & le plus rude qu’il y en ait eu il y a
long-temps, aux gelées, aux neiges, aux brouines, aux frimas, aux pluyes,
aux vents & aux deluges. Helas, quel accident en peut-il arriuer ! Il fait
comme vn meschant tuteur, lequel apres auoir consommé ou desrobé le
bien de son pupille, & craignant que quelque iour, quand il sera venu
en âge, il ne luy face rendre compte ; n’osant le tuer, il le traite si mal, qu’il
le fait perir ou de maladie, ou de faim, ou de froid. Et vous estes son
Confesseur ? & vous palliez ses meschancetez ? Vous faites des vertus de
ses vices, & vous pensez que nous vous estimions pieux ; Nous sommes
trop rebattus des ruses Italiennes, nous auons veu trop de Charlatans
de ces Pays, trop de salt’enbenques, nous cognoissons vos grimaces, &
nous nous défions de vos menées. C’est pourquoy, si vous voulez viure
en France, viuez à la mode de France, Preschez comme les autres Moines
la parole de Dieu, administrez les Sacremens, attendez sa Prouidence,
elle ne vous manquera iamais, non plus que la bienueillance des Peuples.
Quand vous serez gens de bien, & qu’estrangers vous ne vous meslerez
des affaires d’vn Estat, où vous, ny vostre Maistre, ne doit auoir aucun
interest ; sinon, retirez-vous, s’il n’y a pas encor assez de monstres en
Sicile vostre patrie, & vous placez auprés de ces escueils dangereux de
Scylle & de Carybde, & croyez que nous éuiterons bien vos costes, &
que la France se peut mieux passer de vous, que vous ne faites d’elle.

 

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Anonyme [1649], LETTRE ENVOYÉE A DOM FRANCISCO MARIA DEL MONACHO, Sycilien, Superieur des Theatins, Predicateur & Confesseur du Cardinal Mazarini. Où il est sommairement respondu aux Libelles diffamatoires jettez à Paris par les Ennemis de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2225. Cote locale : A_5_28.