Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME DE LA COVR, A vn Seigneur qui est à l’Armée, TOVCHANT L’ATTENTAT COMMIS AVX FILLES DIEV A PARIS, En la personne de Madamoiselle de sainte Croix, & toute la suite des procedures dont on a vsé contre-elle. , françaisRéférence RIM : M0_1868. Cote locale : A_5_13a.
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& de plusieurs autres personnes de condition que le bruit d’vn si horrible
attentat y avoit assemblez, partie par obligation de naissance, partie
par interest d’affection. La pauure Fille s’y traina le mieux qu’elle peut,
estant restée extremement foible de ses blessures, entre lesquelles elle a eu
deux costes démises, diuerses tumeurs aux iambes & à la teste, & mille
coups d’esperon par tout le corps, & apres deux saignées qu’elle souffrit le
mesme iour ; elle n’a peu empescher sa fieure de se rendre de quatre continue,
laquelle estant iointe à tant de coups & de violences, la met encore
en vn tres-eminent peril de sa vie.

 

Voila à peu prés, Monsieur, ce que i’auois à vous mander d’vne Action
si lasche & si noire, qui n’estant approuuée de personne, est generalement
condamnée de tout le monde. Ceux mesmes qui sembloient appuyer cet
homme par leur credit, l’abandonnent maintenant tout seul à luy mesme,
sans s’interesser dauantage en ce qui le touche. Nostre grande Reyne qui
sçait dispenser auec tant d’equité le châtiment aux crimes, & la recompense
aux vertus, a depuis sagement ordonné, que l’on fit les perquisitions necessaires
& toutes les diligences possibles, pour découurir les Autheurs de
ce forfait, auec ordre à Messieurs de la Cour de prendre connoissance de
cette affaire, comme d’vn crime d’Estat, ou d’vn attentat contre la Religion ;
Bien plus, non contente de mettre des Gardes la nuict dans le Monastere,
elle a enuoyé par tout des Archers auec leurs Preuóts, pour apprehender
les coupables, pouruoyant ainsi auec prudence des deux costés,
& à la seureté des gens de bien, & à la punition des méchans.

Vous voyez, Monsieur, dans la suitte de cette histoire des euenemens si
diuers, qu’il est difficile de iuger de leur prix dans leur multitude, & de leur
excellence dans leur rareté. Vn Amant deuenir le bourreau de sa Maitresse,
vn Pere s’oublier de son sang iusques là que de le liurer à son ennemy
sous couleur d’amitié, vne Mere enleuée pour sa Fille, vne Tante morte au
secours de sa Niece, vne Damoiselle cinq ou six fois rauie, & iamais possedée
par son Amant, toute vne Prouince interessée pour vne seule personne.
Voila, Monsieur, la tissure de cette histoire, qui semblera tenir du
Romant à ceux qui ne l’auront pas veüe comme nous, & aura peine de passer
pour veritable en l’esprit de ceux qui la liront dans les Prouinces sans
l’auoir veüe. D’vn costé le crime de N. est si grand qu’il semble du tout
extraordinaire, d’ailleurs la constance de Mademoiselle de saincte Croix
est si rare, qu’elle passe iusques au prodige & au miracle.

Apres cela, si ie vous ay ennuyé dans la lecture d’vne si longue lettre,
condamnez vous mesmes la loy que vous m’auez imposée de n’obmettre
aucune des circonstances de cette actiõ, sans vous l’escrire, & dés là ie consens
de subir la peine que vous aurez portée contre vous mesmes. Mais si
vous m’accusez de parler auec vn peu trop de chaleur des violences du
sieur de N. contre qui ie semble me declarer Partie, ie vous suplie de
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Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME DE LA COVR, A vn Seigneur qui est à l’Armée, TOVCHANT L’ATTENTAT COMMIS AVX FILLES DIEV A PARIS, En la personne de Madamoiselle de sainte Croix, & toute la suite des procedures dont on a vsé contre-elle. , françaisRéférence RIM : M0_1868. Cote locale : A_5_13a.