Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME DE LA COVR, A vn Seigneur qui est à l’Armée, TOVCHANT L’ATTENTAT COMMIS AVX FILLES DIEV A PARIS, En la personne de Madamoiselle de sainte Croix, & toute la suite des procedures dont on a vsé contre-elle. , françaisRéférence RIM : M0_1868. Cote locale : A_5_13a.
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le proiet en estoit hardy, & se promet à ce coup la possession de sa maistresse
autant ineuitable, comme l’issue & la conduite de ce dessein luy
sembloit infallible. Fortifié encore moins du credit qu’il auoit en cour,
que de sa propre hardiesse, il prend le temps que la Reyne estoit allé
accomplir son vœu à Chartres, & que Madame de Fonteuraut faisoit
sa visite à Hautebruiere ; il assemble ses amis & se porte chef d’vne
Compagnie, qui estoit plustost vn ramas de gens associés dans vn mesme
commerce de crimes, qu’vne troupe reglée de Soldats & de Capitaines.
Comme par vn secret reproche de leur crime qui ne souffroit
point de tesmoin qui ne fust complice, hors leur chef & Sainct-Ange
qui se portoit pour son Lieutenant & qui estoit le plus enragé ministre
de sa fureur, ils estoient tous masqués, tant pour n’estre pas connûs que
pour ne se connoistre pas l’vn l’autre ; Ainsi ils s’estoient couuert le visage
d’vn autre encore plus hydeux, qui dans la laideur de sa figure representoit
la brutalité des mœurs de ceux qui le portoit. A l’heure
donnée, qui estoit bien auant dans la nuit du vingt cinquiesme de
Mars, ils se trouuent tous à la muraille du monastere des Filles-Dieu,
qu’ils attaquent auec vne pareille ardeur, comme si c’estoit vne ville
bien retranchée de bouleuars & de fossez. Cette trouppe mutine
animée par l’exemple & par la parole de leur Chef, entre confusément
dans ce lieu sainct, tandis que le Perede la fille attend à la porte, où l’on
auoit dressé deux corps-de-garde, le succés d’vne entreprise si perilleuse.
En quoy il est incertain d’asseurer s’ils violerent plustost par ce crime, la
foy publique qui tient ces maisons pour des lieux de refuge, ou la
saincteté du cloistre que l’on ne peut profaner par vn accés trop libre,
à moins que de se rendre coupable d’vn sacrilege.

 

De vray le respect que l’on doit porter aux cloistres, est le second aprés
celuy que l’on doit rendre à Dieu, auquel ils sont consacrés, Et l’iniure
qui leur est faite, est presque dans le mesme rang de malice que celle
qui attaque sa Diuinité par le blaspheme, & sa saincteté par le sacrilege.
Ie vous auoüe (Monsieur) que ie fremis à la seule pensée de l’action
que ie vay raconter laquelle offense aussi griéuement la veneration des
autels deuant lesquels elle fut faite, comme elle choque directement
le respect deu aux vierges consacrés à Dieu par les vœux.

Desia la frayeur & l’effroy estoit par tout le Monastere, & les cris
estoient confus de ceux qui donnoient l’épouuante, & de celles qui la
receuoient. La pauure Damoyselle de saincte-Croix demeuroit encore
cachée au plus haut lieu d’vn galetas dont elle pensoit auoir bien fermé
l’entrée, ayant tiré aprés soy l’eschele qui luy auoit serui d’escalier & de
montée ; à tous les bruits qu’elle entendoit, elle s’estimoit perdüe &
croyoit estre desia prise au mesme temps qu’on l’approchoit. Dans la
iuste apprehension de voir ses proiets inutiles, N. soit de rage, ou de
dépit, de ne la rencontrer pas en sa chambre, auoit fait prendre tout

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Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME DE LA COVR, A vn Seigneur qui est à l’Armée, TOVCHANT L’ATTENTAT COMMIS AVX FILLES DIEV A PARIS, En la personne de Madamoiselle de sainte Croix, & toute la suite des procedures dont on a vsé contre-elle. , françaisRéférence RIM : M0_1868. Cote locale : A_5_13a.