Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME A LA REYNE. , françaisRéférence RIM : M0_1866. Cote locale : B_4_13.
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la Nature vers le Roy vostre Fils, & à celles de vostre deuoir,
particulierement en ce qui regarde vostre conscience, qui sera
responsable d’vne guerre funeste, qui reduira cét Estat dans
vne totale dissipation. Lors que Vostre Majesté l’a choisi pour
l’establir premier Ministre, ç’a esté auec vne intention si pure,
qu’elle ne sçauroit estre accusée de s’y estre legerement resoiuë,
puisqu’elle auoit iuste occasion de se promettre d’estre soulagée
par ses soins, & fidelement seruie dans la conduite des
affaires : mais comme il n’appartient qu’à Dieu de ne se mesprendre
point, & auquel toutes choses soient presentes, elle ne
doit pas trouuer est range, de n’auoir peu penetrer dans les secrets
de l’aduenir, s’en estant voulu reseruer à luy seul vne parfaite
connoissance. Ce que la prudence humaine peut d’elle
mesme, Madame, c’est de ne se point obstiner dans vne conduitte,
que l’experience fait paroistre dangereuse, si elle est plus
long-temps tenuë capable de causer vn bouleuersement general,
qui sera plus attribué à Vostre Majesté qu’à tout autre, parce
qu’il despend absolument de vous de l’euiter. La Reyne
Catherine de Medicis, qui auoit la mesme place que vous occupez
dans cette Monarchie, en a conserué la grandeur en
s’accommodant au temps, desirant tousiours les choses iustes,
sans s’attacher à celles qu’elle preuoyoit impossibles, ou qui
ne pouuoient s’establir que par le sang, & les autres violens
moyens pour lesquels il n’y a pas lieu de douter que vous
n’ayez vne extreme repugnance. Examinez, Madame, combien
de fois cette sage Princesse s’est employée par les voyes
de la douceur & de la moderation, si conuenable à son sexe,
pour appaiser les troubles que l’ambition des Princes, & la legereté
des peuples auoient esmeus contre son gouuernement.
Vous la deuez plustost imiter, Madame, & suiure l’exemple
d’vne Reyne estrangere, comme l’est Vostre Majesté, dont la
prudence s’est demeslée auec honneur de tant de fascheuses
difficultez, que de vous laisser conduire dans vn precipice certain
par des conseils qui ne sont pas moins accompagnez d’ingratitude,
qu’ils sont creus interessez par ceux qui les considerent
sans preuention. La feu Reyne Marie se declara ouuertement
ennemie du Cardinal de Richelieu, estant persuadée par
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Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME A LA REYNE. , françaisRéférence RIM : M0_1866. Cote locale : B_4_13.