Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS, ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : C_3_31.
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Dieu pour maistre, ses loix & ses commandemens doiuent estre la
regle de leurs actions. Ces grands Politiques oseront-ils dire que
Traian ne se comporta pas en Empereur quand il fit Licinius Sura
Prefet du Pretoire, & qu’en luy donnant l’espée nuë qui estoit la
marque de sa charge, il luy dit, ie tedonne cette espeé, Sura, dont tu
me seruiras fidelement si ie te commande quelque chose selonle
droit & l’equité, sinon, ie te dispense de ton obeyssance, & seray
bien aise que tu t’en serues contre moy-mesme. Pensons nous
qu’Alexander Seuerus eust moins de pouuoir & d’authorité que
Caligula ou qu’Heliogabalus, parce qu il n’en abusoit pas comme
eux ; que Tacitus fût moins Empereur que les autres par ce qu’il ne
vouloit rien faire sans l’aduis & le consentement du Senat ; & pour
parler de nos Roys, Louys XII. qui estoit les delices du peuple &
qui faisoit cõscience de leuer quelque chose sur luy crainte de le faite
crier, estoit-il moins Roy & moins absolu que n’estoient ses deuanciers ?
Henry IIII. a-t’il eu moins d’authorité que Louys XIII pour
n’auoir pas fait sauter la teste à des Montmorency, à des Marillacs,
à des de Thou & à des Cinq Mars, & pour n’auoit pas fait
tant emprisonner & exiler de Conseillers & de Presidens, qu’il y en
a eu sous Ie regne precedent, & depuis la Regence ? mais le malheur
est qu’on ne fait iamais conceuoir aux Roys ce qu’ils doiuent,
mais ce qu’ils peuuent, & combien leur authorité a d’estenduë,
contre la maxime & l’instruction que donnoit le Grand
Theodoze à son fils.

 

Dion en la
vie de Traian.

 


Nec tibi quid liceat, sed quid fecisse decebit
Occurrat, mentemque domet respectus honesti.

 

D’où viennent donc tous ces desordres ? c’est de vous, Messieurs,
pardonnez-moy, si ie le dis ; car si vous vous opposiez vertement
à ces iniustes & tyran niques procedures dés leur naissance,
on ne les verroit esclorre qu’à la confusion de leurs Autheurs, & à
l’honneur de vostre Compagnie. N’y a-t’il pas lieu de s’estonner
que vous qui estes les Depositaires de ce qu’il y a de plus sacré dans
nos Loix, ayez si long-temps toleré le trafic infame du sang des
subiets du Roy ? i’ay cent fois ouy dire dans les Prouinces, que
tout le mal ne venoit que de vous, qu’on ne demandoit pas mieux
qu’à secoüer ce ioug insupportable des Ministres Partisans, pourueu
que vous donnassiez le bransle, puis que vostre Parlement est
sans contredit, le premier mobile de la France ; & ie puis adiouster
auec verité que vous estes cõplices de tout le mal qui s’est fait depuis
tant d’années, horsmis depuis le mois de May dernier que vous

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