Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : A_5_23.
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[des mots coupés] ouy dire à des personnes qui l’approchoient
d’assez pres, que s’il eust pû, sans faire vne iniustice trop manifeste,
& sans renuerser les loix de l’Estat, il eust extermine iusques au
dernier Conseiller du Parlement, pour en faire vn tout nouueau à sa
fantaisie : C’estoit faire le souhait de cet Empereur, ou plustost Tyran
des Romains, qui desiroit que le Senat n’eust qu’vne reste pour
la faire sauter tout d’vn coup. Vous auez encore esté pis sous l’empire
du Sicilien, de qui vous n’auez iamais pû auoir vne belle parole,
si ce n’est celle qu’il fit dire à vn des Princes qui le protegent, lors
que vous vous plaigniez de l’enleuement d’vn de vos Freres, que le
Roy pouuoit faire de ses valets ce qu’il vouloit ; faisant sans doute
allusion à de semblables de Caligula qui appelloit le Senat Romain,
seruos suos togatos, c’est à dire, selon la proprieté des mots de
ce temps-là, ses esclaues de longue robe.

 

Venalité
des Charges
de Iustice
cause de nos
maux.

C’est vne guerre que les Mignons des Princes ont tousiours euë
auec des Compagnies semblables à la vostre, sur la pensée qu’ils ont
que leur tyrannie ne peut subsister auec des ames entieres & des-interessées ;
à moins que ce ne soient des Mignons & des Ministres aussi
gens de bien que l’estoient Mecenas & Agrippa sous Auguste, qui
bien loin de porter leur Maistre à rabaisser l’authorité du Senat, contribuerent
de tout leur pouuoir à en augmenter le lustre & la splendeur,
tesmoin la reueuë qu’il en fit, où il cassa tous ceux qui s’y
estoient intrus par l’insolence des guerres. Tibere son successeur fut
extrement deferant à cette mesme Compagnie pendãt qu’il fut maistre
de son esprit, luy renuoyant la connoissance de la pluspart des
affaires, iusques-là mesmes qu’il protesta de n’accepter l’Empire,
que pour en suiure les Conseils, & se ioindre aux Consuls, pour le
bien des affaires publiques. Mais quand Seian se fut emparé de son
esprit, l’on ne vid plus que des proscriptions & des bannissemens dãs
cet Ordre, parce que ce monstre se uoyoit enuironné d’autant d’ennemis
qu’il y auoit de Senateurs ; si bien que pour en gagner partie,
il se des faisoit des plus gens de bien, se montrant ouuertement protecteur
des Delateurs, & faisant controuuer mille faux crimes &
former vne infinité d’accusations sans fondement. Alors les moins
courageux se rendoient ses esclaues, pour ne pas tomber dans le mal-heur
de leurs freres ; & luy qui se seruoit adroitement de l’occasion,
remplissoit le Senat de ses creatures, afin que desormais il ne s’y pust
rien passer à son des-aduantage. Ces temps-là estoient veritablement
pleins de desordre, mais qu’estoit-ce en comparaison de ceux-cy :
ils n’auoient tout au plus qu’a combatre l’ambition de ceux qui
voulans monter aux Magistrats par quelque moyen que ce fust,
abandonnoient le party de leurs freres ; car les dignitez de Senateur
ne coustoient rien, & l’interdiction estoit plustost vne descharge

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