Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : A_5_23.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 28 --

aimer par force, & que le Diademe qui ne subsiste que par les piques
des Gardes est bien prés de sa cheute ; que celuy qui pense
épouuanter les autres par le nombre de ses Satellites, craind plus
qu’il n’est craind, & que pour estre en seureté, il vaut mieux faire
le pere, & le Citoyen, que de faire voler les testes des Princes, ou
des Conseillers, qui peuuent faire ombrage.

 

 


Qui terret, plus ipse timet, Sors ista Drannis
Conuenit, inuideant claris, f[1 lettre ill.]rtesque trucident.
Tu ciuem patremque geras tu Consule cunctis.
Nec tibi, &c.

 

O que c’est est vne pernicieuse Politique, que de porter les Rois à
faire tout ce qu’ils peuuent plustost que ce qu’ils doiuent, & que
c’est mal connoistre les fondemens d’vne Monarchie Royale, que
de vouloir faire passer vne authorité sans bornes pour legitimé.

Car outre que de cette façon il n’y auroit nulle differẽce entre vn
Roy & vn Tyran, à prendre mesme le mot en sa plus odieuse signification ;
il est cõstant à quicõque l’examinera de prés, que dés lors
qu’vn Roy abuse du pouuoir que Dieu luy donne en cette qualité,
& qu’il contreuient à son deuoir, il cesse d’estre Roy, & les subiets
d’estre subjets. La raison en est euidente, mais mal-goustée par les
Politiques du temps ; à quoy pourtant ils n’ont point de repartie :
la voicy, Quand les Rois viennent à la Couronne, ils iurent
sur les Sainctes Euangiles, qu’ils maintiendront l’Eglise de Dieu
à leur pouuoir ; qu’ils obserueront les loix fondamentales de l’Estat ;
& qu’ils protegeront leurs subjets selon Dieu & raison, ainsi
que de bons Rois doiuent faire ; & moyennant ce serment, les
peuples sont obligez de leur obeyr cõme a des Dieux sur terre & le
serment qu’ils en ont fait aux premiers Rois, dure encore à present,
à cause de la succession perpetuelle qui s’entretient en la
France. L’vn & l’autre serment est respectif, & comme le Roy
peut iustement faire punir par toutes les voyes d’vne Iustice rigoureuse
des subjets contreuenans à la promesse qu’ils ont faite de
luy obeyr, comme à leur legitime Monarque, dans tous les articles
qui ne choquent point les trois fondamentaux que i’ay posé ;
de mesme les subiets sont-ils exempts de l’obeïssance, quand les
Roys violent leur serment : car s’ils renuersent les loix de l’Eglise,
qui est le subiet qui leur obeïra, ou qui est obligé de leur obeïr :
c’est la grande question meuë du temps de Henry IIII. à quoy il
ne pût trouuer de solution qu’en se rendant Catholique. S’ils contreuiennent
aux loix fondamentales de l’Estat, comme s’ils pretendent
faire tomber le Royaume en quenouïlle, vendre & aliener
leur Domaine, les subiets sont exempts de leur en redonner vn autre,
& de leur obeïr en l’autre point ; tout cela est sans difficulté, &

Page précédent(e)

Page suivant(e)


Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : A_5_23.