Anonyme [1649], LETTRE DV COMTE DVC D’OLIVAREZ MINISTRE D’ESTAT DV ROY D’ESPAGNE : A IVLES MAZARIN CARDINAL, ET N’AGVERES MINISTRE D’ESTAT, DV ROY DE FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_2101. Cote locale : C_3_37.
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trop fauorable pour vostre crime ?

 

Quoy que l’enuie aye naturellement l’oüye dure aux loüanges
d’autruy, si veux-ie pourtant qu’elle entende icy malgré
elle, l’honneur, & la gloire que ie veux donner à vn excellent
Ministre d’Estat, que vous & moy deuions nous proposer
pour exemple, si nous eussions esté bien sages ? Ce sont
des mouuemens, & des actions du feu Cardinal Duc de Richelieu,
que nous deuions composer toute la conduite de nostre
vie, que nous deuions composer toute la conduite de nostre
vie ; iamais fauory d’vn Roy, n’a mieux merité que celuy-là
l’amitié de son Maistre. Si son cœur estoit magnanime,
son ame estoit incorruptible, & il a tousiours fait que le
fer de son Prince a mieux agi, que n’a iamais fait tout l’or des
Indes du Roy Catholique. Il eust mieux valu que le Roy de
France eut eu perdu deux des meilleures, & plus importantes
villes de son Royaume, que d’auoir perdu par la mort cét incomparable
Ministre ; quand on luy auroit enleué Calais, &
surpris Amiens, il auroit de la peine à les arracher d’entre les
mains de ceux qui s’en seroient saisis : mais puis qu’autres-fois
on a bien fait lascher prise à ceux qui les tenoient, ie ne voy
rien qui pût empescher que ce Monarque n’en fit encore autant,
si ce n’est que pour vous y opposer, Mazarin, vous
fissiez le mesme que vous auez fait à Orbitello & à Naples,
que vous n’auez pas voulu qui sortist de la domination d’Espagne,
pour entrer en celle de France ? La Castille se rejoüit de
sa mort : mais elle pleure de vostre disgrace, parce que Richelieu
ne trauailloit que pour sa perte, & vous au contraire,
vous n’agissez qu’à son aduantage.

Il faut auoüer qu’il ne s’est iamais trouué vn homme d’Estat
comme luy, en qui se soient rencontrez ensemble toutes
les excellentes & rares qualitez, qui seulles à part, peuuent
mettre bien haut au dessus du commun, ceux qui s’en trouuent
pourueus. Ie ne parle point seulement de celles qui sont
en quelque façon de l’essence de la profession, qu’il a faite,
comme la pieté, la sagesse, la prudence, la moderation, l’eloquence,
l’erudition, & leurs pareilles, ie dis des autres mesmes,
qui semblent en estre entierement éloignées ; comme
celles qui composent la perfection d’vn chef de guerre. Car

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Anonyme [1649], LETTRE DV COMTE DVC D’OLIVAREZ MINISTRE D’ESTAT DV ROY D’ESPAGNE : A IVLES MAZARIN CARDINAL, ET N’AGVERES MINISTRE D’ESTAT, DV ROY DE FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_2101. Cote locale : C_3_37.