faisant faire au Comte d’Harcourt des Conquestes
pour les autres. Cependant ce Comte faisoit ses
progrez auec ardeur, qui n’ont pas esté fort grands,
tant à cause des braues qu’il auoit en teste qui ne luy
cedent, ny en valeur, ny en experience ; que pour ce
que le Cardinal craignant qu’il ne fit dauantage, ne se
rendit maistre de ce qu’il ne luy pouuoit raisonnablement
oster ; ou qu’il ne fut contraint de le recompenser
d’ailleurs, chose dont il ne veut point entendre parler.

Le second suiet, est encor le refus à son fils d’vne Abbaye,
dont le Mazarin en tient quantité sans y pouruoir,
chose qui estoit bien deuë à vn General qui
estoit son Protecteur, & son plus fort appuy.

Vn troisiéme suiet estoit le soupçon ridicule que ce
timide & lâche Ministre formoit sottement dans son esprit
sur la generosité de ce Comte, qui s’estant veu si
estroitement obligé à Monsieur le Prince qui luy auoit
si souuent renuoyé Officiers, bagages, & reçeu tousiours
fauorablement tous ceux qui tomboiẽt entre ses mains,
& qui luy appartenoient le moins du monde, ou se reclamoient
de luy, beuuant à sa santé en leur presence,
& puis les renuoyant sans aucune rançon ; traitements
qui touchent vn cœur genereux, & qui l’engagent à rendre
la pareille, & plus s’il en treuue l’occasion. En effet,
ayant renuoyé quelques prisonniers de la même maniere,
il s’est rendu suspect en Cour, ou du moins on a
pris ce pretexte dãs le dessein qu’on y auoit de luy ioüer
vn mauuais tour.

Ces choses ont du moins quelques apparences, &
ont seruy de pretextes à la fourbe qu’on luy vouloit
ioüer, outre que le Mazarin apprehendoit auec raison
que Monsieur le Comte d’Harcour estant rebuté de
tous ses refus, ne seruiroit peut-estre pas auec cette affection
accoustumée ; cela estoit assez suffisant pour le
faire relâcher, auec l’iniustice du party qui se pouuoit
representer à luy en cette occasion.