Anonyme [1649], LES TERREVRS DE MAZARIN, ET LE SECOVRS CHIMERIQVE & imaginaire qui luy vient d’Italie, conduit par le redoutable Capitaine & General Scaramouche. , françaisRéférence RIM : M0_3762. Cote locale : C_10_28.
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la consternation y parut tres-grande sur les visages de ceux qui tiennent le
party de ce maudit Estranger, & l’espouuante qui saisit ce miserable fut si
extresme qu’il faillit à mourir de frayeur ; son ame bourellée & tremblante
fut agitée de mille pensées de desespoir, l’image de ses crimes, luy
faisant apprehender la vengeance du Ciel, luy donnoit tout à la fois mille
funestes tentations, & le poussoit à s’enfonser vn stilet dans le sein, où à
se seruir de ses confitures ou conserues empoisonnées, que son ambition
demesurée luy a fait employer pour oster du monde plusieurs personnes
de grande consideration qu’il croyoit estre ses ennemis, & desquelles il
se seruira peut-estre à estouffer la vie de ceux qui luy auront fait plus de
bien.

 

Les consolations que les sieurs de Seneterre, de Iars, de Bautru & plusieurs
autres de ses meilleurs amys luy donnoient ; ny l’asseurance que la
Reine & les Princes du sang luy enuoyerent faire de la continuation de
leur protection, ne peurent iamais remettre son esprit esperdu, & les
discours & responses extauagantes qu’il fit, donnerent assez a connoistre
que la peur de se voir accablé par tant d’ennemis luy auoit fait perdre le iugement,
& qu’il estoit semblable à vn nouueau & foible Matelot, qui estat
monté sur la pointe d’vn mast de Nauire, son esprit & sa teste se troublent,
& il treibuche aussi tost, que les vents ou les vagues le font Chanceler.

Ainsi Mazarin se voyant prest de tomber du lieu trop eminent ou la
fortune aueugle l’a esleué, son esprit qui n’a iamais eu aucune fermeté se
trouua incontinent troublé par les premieres difficultez qui s’opposerent à
son eleuation. Il fit mille discours impertinens qui tesmoignerent assez la
foiblesse & la lascheté de son cœur, & il parut aussi interdit & abattu dans
ce commencement d’aduersité, comme il auoit esté insolent & orgueilleux
dans la prosperité.

Il fut impossible de le rasseurer, & trois ours se passerent sans qu’il voulut
manger ny dormir, quelque soin qu’on y apportast : Enfin comme ses
seruiteurs & ceux qui ont leurs interests attachez à sa conseruation, virent
que les forces de sou corps diminuoient à mesure que celles de l’Esprit se
peruertissoient, & que mesme il couroit fortune de la vie, si l’on le laissoit
plus longtemps dans cette humeur hipocondre, furent d’aduis d’y appeller
les plus habiles Medecins du Roy, qui trouuerent bon de luy donner
vn petit breuage d’Opium pour le faire dormir, esperans que le sommeil
calmeroit ceste émotion & remettroit cét esprit destraqué dans son assiette
ordinaire ; cela fut trouué tres à propos ; mais le succez ne respondit
pas à leurs intentions ny à leurs desirs ; car ce pauure mal-heureux ayant
esté contraint de dormir plustost par la force du remede, que par aucune
quietude d’esprit, s’éueilla au bout de sept ou huit heures plus fou qu’il
n’estoit auparauant ; Mais sa folie fut d’autant plus extraordinaire qu’elle
ne parut pas à l’abord ; car s’estant leué auec vne grande tranquilité sans
tenir aucuns discours ny faire aucune contenance de crainte, il commanda
auec vn visage ioyeux à vn de ses Secretaires de faire entrer dans sa chambre
les Sieurs de Seneterre, de Iars & de Bautru, que i’ay nommez cy-dessus,

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Anonyme [1649], LES TERREVRS DE MAZARIN, ET LE SECOVRS CHIMERIQVE & imaginaire qui luy vient d’Italie, conduit par le redoutable Capitaine & General Scaramouche. , françaisRéférence RIM : M0_3762. Cote locale : C_10_28.