Anonyme [1649], LE VRAY POLYTIQVE OV L’HOMME D’ESTAT DES-INTERESSÉ AV ROY LOVYS XIV. SVRNOMMÉ DE DIEV-DONNÉ. , françaisRéférence RIM : M0_4073. Cote locale : A_5_94.
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il se trouua si bien, que par son testament il exhorta son fils à suiure
le mesme chemin. S’il s’en éloigna, comme il fit tout aussitost
apres, on sçeut que pour s’estre seruy de plus de gens il n’en
fut pas mieux. Ce que ce Prince disoit autrefois de ses Medecins,
plusieurs autres le pourroient dire de la multitude de leurs
Conseillers, que c’est ce qui les a perdus.

 

S’il est mal-aisé de trouuer en vn homme seul, toutes les qualitez
necessaires au gouuernement d’vn Estat, comme en estoit pourueu
le feu Cardinal de Richelieu, il l’est bien encore d’auantage
d’en trouuer plusieurs en vn siecle, où les gens de bien sont plus
rares beaucoup que du temps d’Alfonce Roy de Naples, qui oyant
dire vn iour que les Catanois estoient d’aduis de donner pour gouuerneurs
à leur Prince sept hommes sages, qui craignissent Dieu,
rendissent Iustice, & fussent exempts de passion, respondit à ceux
qui luy faisoient ce discours, que s’il en sçauoit seulement deux,
en qui toutes ces conditions se rencontrassent, au point qu’on
les desiroit, il leur partageroit volontiers son propre Royaume.
Le secret, qu’on peut à bon droit appeller l’ame des entreprises
importantes, qui perdent comme les mines, tout leur effet depuis
qu’elles sont éuentées, ne se conserue qu’auec beaucoup de
peine auec tant de gens, dont quelqu’vn parle tousiours plus qu’il
ne seroit besoin. Que si le grand nombre de Ministres est preiudiciable
à ceux qui les employent, leur frequent changement
ne l’est pas moins à ceux que leur foblesse y porte. Ie laisse à part
la raison qu’en rendoit Tibere, & l’experience qu’en fit Louys
XI. l’vn le plus auisé de tous les Empereurs Romains, l’autre de
tous nos Roys. Auoüons donc franchement, SIRE, que ceux
dont ie parle, ont esté iusques à present plus auisez que nous, que
pour remedier aux malheurs qu’apporte la confusion, & la mutation
des Ministres, ils n’en employent que fort peu, qu’ils ne
changent iamais sans vne tres euidente necessité. Mais reconnoisse
ns aussi que vostre predecesseur s’estant depuis assez long-temps
auant sa mort, resolu à faire de mesme, que vostre Maiesté, SIRE,
n’a desormais rien qu’à continuer, comme asseurement, nous
esperons qu’elle le fera, pour leur retrancher tout ce qu’ils ont
eu de meilleur qu’elle cy-deuant. C’est peut estre le plus grand,
& le plus important secret qu’on puisse donner pour le bien de vostre
seruice. Quoy que la flaterie, ou la calomnie vous puisse
sugerer, au contraire, vous ne le deuez pas mespriser. Il va plus
loin qu’on ne pense. Car pour dire la verité, SIRE, ce n’est pas
tant de cette conionction & triplicité des Planettes, dont quelques-vns

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Anonyme [1649], LE VRAY POLYTIQVE OV L’HOMME D’ESTAT DES-INTERESSÉ AV ROY LOVYS XIV. SVRNOMMÉ DE DIEV-DONNÉ. , françaisRéférence RIM : M0_4073. Cote locale : A_5_94.