Anonyme [1652], LE VERITABLE ENTRETIEN DE LA REYNE D’ANGLETERRE AVEC LE ROY ET LA REYNE à S. Germain en Laye, en presence de plusieurs Seigneurs de la Cour, & autres personnes de consideration. Ensemble les Particularitez de ce qui s’est passé de plus remarquable dans leurs Resolutions. Touchant les Affaires pressantes pour la Paix Generale. , françaisRéférence RIM : M0_3932. Cote locale : B_16_5.
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voicy leurs Discours & Contestations, auec leurs Dialogues.

 

La Reyne d’Angleterre, entrant dans la Chambre de la
Reyne, aprés l’auoir salüée, luy dit, Madame, Dieu soit auec
vous, il y a long-temps que i’ay souhaitté de vous voir, mais
ie crains de vous importuner. Nullement, respondit la Reyne,
vous me faites plaisir. Approchez vous, ma Sœur : Alors
la Reyne d’Angleterre, luy dit :

MADAME,

Il est maintenant temps que vous corrigiez vostre couroux
contre des personnes qui ne l’ont iamais prouoqué ; Vous deuez considerer
que vous estes Reyne, & par consequent Mere des François ;
si vous les faites mourir, de quels enfans vous appellera-t’on Mere ?
Ce n’est pas enfanter que de détruire ; il vaudroit mieux n’auoir iamais
esté au monde que de rendre au neant ce qui y estoit aupararant
que nous en eussions veu la lumiere ? Permettez-moy, Madame, de
vous dire, si vn Peuple qui voit deuant les yeux oster son pain, peut
se rendre obeyssant ; ou s’il se void brûler, violer sa femme & ses
filles, & luy-mesme à la mercy des gens de guerre, s’il se mettra en
son deuoir ? Non, non, ne l’esperez-pas, Madame, vos suiets sont trop
genereux pour endurer de telles souffrances : Si vous les voulez châtier
(car sont vos enfans) ne leur brisez pas leurs foibles membres,
& ne mettez pas les armes aux mains à ceux qui ne sçauent les manier,
parce qu’il ne faut qu’vn moment pour les rendre incorrigibles,
& capables de secoüer le ioug de vostre obeyssance. Ie dis cecy sans
passion, vous y aduiserez ; Monstrez aux François que vous estes
leur Mere, & asseurément ils vous aimeront, car ie les connois pour
aimer leur Roy, & cherir ceux qui en font le semblable ; C’est, Madame,
ce que vous deuez meurement considerer, & croire que ie ne dis
point ces choses pour vostre mal, ains pour l’accroissement de vostre
authorité, & de vostre gloire.

Ces paroles finies, il y eut quelque petit murmure dans
l’Assemblée, où s’estoient trouuez plusieurs gens de qualité.
Ce que la Reyne obseruant, Elle dit tout haut ; Messieurs &

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Anonyme [1652], LE VERITABLE ENTRETIEN DE LA REYNE D’ANGLETERRE AVEC LE ROY ET LA REYNE à S. Germain en Laye, en presence de plusieurs Seigneurs de la Cour, & autres personnes de consideration. Ensemble les Particularitez de ce qui s’est passé de plus remarquable dans leurs Resolutions. Touchant les Affaires pressantes pour la Paix Generale. , françaisRéférence RIM : M0_3932. Cote locale : B_16_5.