Anonyme [1649 [?]], ADVIS SVR L’ESTAT, touchant les Affaires PRESENTES, & le gouuernement Estranger. , françaisRéférence RIM : M0_547. Cote locale : D_2_11.
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ne trauaillent iamais aux choses qui regardent le salut public, ou ils
ne sont passionnez que pour leurs affaires particulieres ; ou s’ils resoluent
quelques choses pour l’Estat, c’est sans y apporter vne meure
deliberation : c’est pourquoy les Politiques les appellent negligens
& interessez, & croyent que les Sujets en receuront tousiours bien
moins de graces & de bien-faits que des autres. Vn Prince (dit Tacite)
instruit aux coustumes Estrangeres plustost qu’en celles de son
Royaume, ne sera pas seulement suspect aux Peuples, mais il passera
tousiours pour fascheux & peu bien faisant : Et ce que cet autheur
dit d’vn Prince, il le faut entendre esgalement d’vn Ministre, parce
que bien qu’il y ait de la difference dans le caractere, il n’y en a presque
point dans le pouuoir.

 

Cette authorité de Tacite me fait passer à la troisiesme raison, qui
est ; Qu’vn Estranger ne peut estre en seureté contre la deffiance du
Peuple, ny contre la ialousie des Grands, si premierement il ne se fortifie
de Gardes, s’il ne dispose des meilleures Places, s’il ne change
les Magistrats, s’il n’engloutit les Charges seculieres & les dignitez
Ecclesiastiques, s’il n’arrache les Citoyens de leurs biens, & s’il ne
leur oste leur credit pour donner tous les deux à des Estrangers : si
en vn mot il ne se fait diuerses creatures pour l’agrandissement desquelles
il fait abaisser tout le reste, Et ces moyens sont insupportables
au Peuple.

Enfin, c’est vne chose honteuse à vn Peuple qui ne manque pas de
personnes capables du Ministere, de se voir sousmis à vn Estranger ;
& comme lors que cette eslection vient du Peuple elle luy est desaduantageuse,
parce que c’est vne marque de sa lascheté & de son ingratitude,
puis qu’il ayme mieux se sousmettre à vn Estranger qu’à vn
de ses Concitoyens : de mesme lors que le choix d’vn Estranger pour
Ministre vient de la volonté du Prince, il est honteux à celuy qui le
fait, & au Peuple qui le souffre ; parce que c’est vne marque presque
infaillible, que dans tout l’Estat il n’y a point d’homme ny assez sage,
ny assez intelligent pour s’en bien acquitter : ce qui est la plus miserable
condition & du Prince & du Peuple dans laquelle ils se puissent
trouuer. Et les Scythes, quoy que Barbares, l’ont si bien recognu,
qu’ils ne le pûrent celler au Grand Alexandre leur vainqueur ; comme
le marque Herodote en son liure sixiesme : Bien que tu sois (luy dirent-ils)
plus fort que tous les autres, toutes-fois souuient-toy que personne
veut souffrir la domination des Estrangers.

FIN.

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Anonyme [1649 [?]], ADVIS SVR L’ESTAT, touchant les Affaires PRESENTES, & le gouuernement Estranger. , françaisRéférence RIM : M0_547. Cote locale : D_2_11.