Anonyme [1649], L’ESPAGNE DEMANDANT LA PAIX AVX PIEDS DE LA MAIESTÉ ROYALLE, ET DV PARLEMENT. , françaisRéférence RIM : M0_1275. Cote locale : A_3_34.
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celles du Parlement, elle a senti les glaces de la peur & s’est fléchie
deuant cette Grandeur qu’elle auoit auparauant mesprisée.

 

Toute la Terre qu’elle a conuoitée l’a veue partir du fons de ses
Prouinces, pour venir demander la paix. Il est vray que pour cacher
l’humilité de ses pensées par la superbe de ses démarches, elle est venue
iusques au pied du Trosne de la Iustice de nostre Monarque aueque
quelque sorte d’inciuilité. Mais comme autre fois vn de ses Ambassadeurs
ayant resolu de garder la grauité naturelle deuant vn de
nos Rois, ne pût toutefois considerer la splandeur de son visage, sans
se ietter incontinent par terre ; & rendre vn homage extraordinaire
à la Puissance que par sa temerité il auoit il auoit offensée De mesme
elle n’a peu leuor les yeux sur cette Maiesté Royale, qui brille en
l’Assẽblée des Illustres & des fideles suiets de nostre Prince, qu’elle
ne se soit promptement abatue, & que deuenue humiliée elle n’ait
rendu l’action du corps conforme à la soumission de l’ame.

En cét estat, apres auoir obtenu la permission de s’expliquer deuant
cette glorieuse & redoutable Assemblée, elle a poussé du fons
d’vn cœur encor trẽblant quelques soupirs pressez qui ont fait passage
à ses paroles.

Vous me voyez à vos pieds Seigneurs illustres, où plutost, Majesté
Royale qu’en cet auguste Senat ie considere ; vous m’y voyez, di-je,
en vn estat moins conforme à la grandeur de mon courage qu’à la
sincerité de mes pensées : & toutesfois ie pretens respondre à l’vn &
à l’autre par ce iuste & ce veritable abaissement. Puis que vous donnez
des loix à toute l’Europe par Amour où par Force : & que tous
les Peuples Chrestiens ou vous aiment, ou vous obeїssent ; ie ne croi
rien faire en cette occasion de cõtraire au grand cœur qui m’anime
non plus qu’a la passion qui me conduit a vos genoux. Ie viens donc
ici poussée & par l’vn & par l’autre pour vous demãder la Paix. Puis
que tant de peuples sont où dessous vos loix, ou dans vos alliãces, ie
me priuez point de cette generale felicité. Il y a long temps que ie la
desire, & qu’au defaut de ma voix mes soupirs vous l’ont demandée.
Ne croiez pas (quoy qu’on puisse dire) ô Maiesté tres Chrestienne,
que ie sois cruelle iusques au point de n’aimer que le sang que nous
répãdons. I’ay des yeux pour verser des larmes & vn cœur pour estre
sensible à la perte de mes pauures enfans. Quand i’ay veu les campagnes
couvertes des corps mors des vostres & des miens tout ensemble.
Quant i’ai apperceu leur sang meslé enfler les ondes des riuieres

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