Anonyme [1649], L’ENTRETIEN FAMILIER DV ROY, AVEC MONSIEVR LE DVC D’ANIOV SON FRERE, à sainct Germain en Laye. Fidelement recueilly par vn des Officiers de sa Majesté. , françaisRéférence RIM : M0_1241. Cote locale : A_3_52.
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les bons desseins qu’ils pourroient auoir pour ma liberté. I’espere
que nous serons bien-tost deliurez de cette seruitude, & que ma bonne
Maman sera contrainte enfin de retourner à Paris, & de renoncer au desir
de vengeance : car ie ne voy pas qu’elle puisse executer le dessein qu’elle
auoit de les forcer à luy venir demander pardon, puis qu’elle s’asseuroit,
comme i’ay sceu, que huict iours apres nostre sortie, le pain venant
à faillir, le Peuple se sousleueroit contre le Parlement, & l’obligeroit
de venir auec luy la corde au col implorer sa misericorde : Et cependant
vn mois & plus s’est passé depuis nostre départ, sans que les viures y ayent
manqué, & sans que le Peuple ait tant soit peu murmuré contre le Parlement :
Au contraire, le mal qu’ils souffrent dans cette guerre, ne sert
qu’à les animer de plus en plus à la perte du Cardinal Mazarin ; & il est
certain que plus elle retardera, & plus leurs forces augmenteront, & les
siennes diminueront : car i’ay sceu, par l’arriuée de plussieurs Seigneurs,
& particulierement du Mareschal de Schomberg, que les meilleures
Villes de la France se declarent de iour en iour pour le Parlement, &
qu’elles refusent les ordres du Cardinal. Ce n’est donc plus de Paris seulement
qu’il faut se venger, c’est de toute la France qui suit cette
Vïlle capitale, comme le reste du corps suit le chef : si bien que c’est
mettre tout l’Estat en combustion, que de s’obstiner plus long-temps à
vne si temeraire entreprise, qui n’a pour motif que la passion d’vn Estranger,
qui voudroit, par sa tyrannie, retirer mes Subjets de l’obeïssance
qu’ils doiuent à leur Roy : mais ils me sont si fideles, qu’ils sçauront bien
démesler mes interests de ceux de ces mauuais Ministres, qui ont abusé
de mon Nom & de ma Minorité pour accroistre leur ambitieuse fortune.
Que si ie puis vn iour auoir la puissance Royale, dont ie n’ay maintenant
que le Nom, ie sçauray punir aussi rigoureusement ces pestes
d’Estat, que recompenser largement ceux qui se sont opposez à leurs
injustes desseins.

 

Sur ce mot, le Roy se retira de la fenestre où il s’estoit arresté au bruit
de quelques Seigneurs qui le vindrent saluer, & n’eut que le loisir de recommander
à son Frere la discretion qu’il luy auoit promise ; mais cét
entretien ne pût estre si secret qu’il ne fût entendu par vn Officier du
Roy, qui l’écoutoit sur vne fenestre prochaine, & qui a creu le deuoir
publier pour asseurer les fideles François, que le desir de leur Roy seconde
leurs intentions, & les obliger d’employer leurs biens & leurs
vies pour sa liberté, & pour la destruction de ses Ennemis.

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Anonyme [1649], L’ENTRETIEN FAMILIER DV ROY, AVEC MONSIEVR LE DVC D’ANIOV SON FRERE, à sainct Germain en Laye. Fidelement recueilly par vn des Officiers de sa Majesté. , françaisRéférence RIM : M0_1241. Cote locale : A_3_52.