Anonyme [1649], L’ENFER REVOLTÉ, SVR L’ESTRANGE DESORDRE qui y est arriué depuis peu, par les Tyrans & les Fauoris des premieres Siecles. OV PAR VNE MERVEILLEVSE application, toute l’Histoire du temps present se trouue parfaitement bien representée. , françaisRéférence RIM : M0_1218. Cote locale : C_7_67.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 17 --

son Empire, eriger des statuës, ausquelles il auoit concedé
des priuileges sacrez : mais encore il se dépoüilla de
toute son authorité en ma faueur, afin de me donner
moyen de faire tout ce que ie voudrois à ma fantaisie.
Mon nom estoit l’acclamation de tout le peuple Romain,
ma felicité, la ioye des grands & des petits, & toutes les
Nations faisoient des vœux & des prieres communes en
faueur de ma personne. Tibere mesme ne remplissoit
toutes les lettres qu’il escriuoit au Senat, que de mes merites,
& que des grands seruices que ie rendois, & que
i’auois rendus à l’Empire. Et il sembloit, qu’il n’eust limité
la gloire de l’Estat, qu’à la durée de ma vie. I’estois
Empereur de Rome, & Tibere ne l’estoit que de Caprées.
Nos noms estoient en mesme ligne, & dans les inscriptions,
& dans les patentes. Nos Chaires & nos Effigies
estoient placées en mesme rangs, & dans les temples, &
sur les theatres. Enfin i’estois le Dieu de toutes ses passions,
& de tous les affaires de la Monarchie. Mais lors
que ie croyois estre parfaitement bien estably au plus
haut faiste de la fortune, Tibere me fist prendre & m’abandonna
à la fureur du peuple mutiné contre moy, de
ce que ie m’estois rendu si puissant aupres de luy. Enfin
chacun faisoit gloire d’emporter quelque piece de ma
chair, comme si elle eust esté necessaire à leur salut, ou
comme si elle eust eu la vertu de faire des miracles. Ce
qui me fasche le plus, c’est que leur cruauté se porta à
faire mourir mes enfans d’vne mort tres ignominieuse.
Ie ne sçay si les Dieux se vouloient alors vanger du mespris
que i’auois fait de leur prouidence, en faisant mourir
les vns & bannir les autres, afin de me porter, malgré
la volonté de mes destinées, au faiste des grandeurs où
ie me suis veu monté, & dont la fortune m’a voulu precipiter
auec infamie. Il est vray que ie fus necessairement
contraint de me seruir de la malice des vns, & de la
mauuaise foy des autres, pour arriuer, & pour me maintenir
au supreme degré de l’honneur, & de la condition
où ma pesonne se voyoit esleuée ; de sorte que par vne
conduite qui n’en a point de pareille, ie m’accommodois
Page précédent(e)

Page suivant(e)


Anonyme [1649], L’ENFER REVOLTÉ, SVR L’ESTRANGE DESORDRE qui y est arriué depuis peu, par les Tyrans & les Fauoris des premieres Siecles. OV PAR VNE MERVEILLEVSE application, toute l’Histoire du temps present se trouue parfaitement bien representée. , françaisRéférence RIM : M0_1218. Cote locale : C_7_67.