Anonyme [1649], L’ENFER REVOLTÉ, SVR L’ESTRANGE DESORDRE qui y est arriué depuis peu, par les Tyrans & les Fauoris des premieres Siecles. OV PAR VNE MERVEILLEVSE application, toute l’Histoire du temps present se trouue parfaitement bien representée. , françaisRéférence RIM : M0_1218. Cote locale : C_7_67.
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luy eust imposé silence, & commandé à Clitus de continuer
le discours qu’il auoit enuie de faire.

 

Grand Prince, dit Clitus à Lucifer, ie suis le premier
des Fauoris de cét insigne Empereur, qui vient de vous
faire vn tres-ample recit de son extraction, de ses dignitez,
& de ses conquestes. Mais quoy qu’il commandast
à toute la terre habitable, il n’eut iamais l’esprit de sçauoir
bien commander à toutes ses passions, afin de les sousmettre
à son obeïssance. Tuãt & perdant ses amis, il estoit
obligé de pleurer souuent son malheur & son crime. Celuy
qui auoit deffait tant de Roys, se laissoit surmonter à
la colere ou à la tristesse ; tous ses crimes naissoient de
son ignorance ; & il ne faut pas s’estonner si parmy tant
de vertus, il a tant de vices, puis que negligeant ce qu’il
deuoit prendre peine de sçauoir, il s’estoit plustost mis en
peine de conduire des armées que sa personne. Il a tousjours
eu plus d’ambition de se rendre le Souuerain de
l’Vniuers, que le maistre de ses passions déreglées. La
cruauté, qui est vn vice tres horrible en la personne de
qui que ce puisse estre, le rendit non seulement temeraire,
mais encore odieux à tous les peuples. Sa presomption
estoit cause qu’il ne vouloit pas receuoir les bons
conseils, que ses fidelles seruiteurs luy donnoient, en façon
quelconque. Neantmoins la passion que i’auois conceuë
pour son bien & pour sa gloire, faisoient pourtant
que ie luy disois souuent ses veritez auec beaucoup de
franchise. Ce n’estoit pourtant pas l’opinion qu’il auoit
tousiours euë de moy : car il croyoit que ie deusse augmenter
le grand nombre des flatteurs qu’il auoit tousiours
pres de sa personne : mais i’auois le cœur trop bon,
& l’ame trop genereuse, pour me vouloir rendre complice
de tous ses crimes. L’amitié qu’il m’auoit tousiours
tesmoignée, faisoit que ie me donnois liberté de luy parler
franchement, & que i’essayois auec quelque espece de
douceur, de moderer la plus grande partie de ses saillies.
Vn iour entre autres, luy entendant rabaisser les proüesses
des Macedoniens, en vn banquet qu’il faisoit à ses
amis ; & en suite luy voyant mespriser les glorieux exploits

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Anonyme [1649], L’ENFER REVOLTÉ, SVR L’ESTRANGE DESORDRE qui y est arriué depuis peu, par les Tyrans & les Fauoris des premieres Siecles. OV PAR VNE MERVEILLEVSE application, toute l’Histoire du temps present se trouue parfaitement bien representée. , françaisRéférence RIM : M0_1218. Cote locale : C_7_67.