Anonyme [1652], L’ALLIANCE DES ARMES ET DES LETTRES DE MONSEIGNEVR LE PRINCE. Auec son Panegyrique, presenté à son Altesse Royale. , françaisRéférence RIM : M0_60. Cote locale : B_7_18.
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qu’il a esté tel qu’il deuoit, à conserué son armée, & a produit
des effets dignes de son employ.

 

Ce n’est point icy qu’on doit donner lieu à la fortune, on ne
doit point commettre telles affaires à cette Deésse aueugle,
qui se mocque des hõmes, & les traitte auec insolẽce ; Et sur ce
suiet ie diray que plusieurs se trompent, quand ils pesent l’euenement
des choses plutost à la balance du hazard, qu’à celle
de la prudence. C’est vne chose toute certaine, que le iugement
& la raison dominent en la guerre, & que la fortune ne
sert de guere à vn Capitaine. La sagesse commande à la fortune,
& toutes les choses se gouuernent plutost par le conseil
que par le hazard.

Vn sage Historien nous aprend que l’esprit est le gouuerneur
de la vie : Esprit qui n’a point besoin de l’aide de la fortune,
mais qui est de soy-mesme assez vigoureux ; puissant & illustre
lors qu’il suit le train de la vertu. Que si les hommes auoient
autant de soin des choses bonnes & necessaires, qu’ils en ont
des vaines & inutiles, sans doute ils commanderoient à la Fortune,
& paruiendroiẽt au plus haut faiste de la grãdeur : Mais
parce que la pluspart des hommes appliquent leur esprit &
leur temps à des occupations friuoles & peu honnestes, on
attribué tout aux accidens de la Fortune, bien que personne
ne doute (suiuant que les succez des affaires nous ont apris)
qu’vn esprit esclairé de la lumiere des Lettres produit, & en
paix, & en guerre, des actions illustres & vtiles : Et qu’vn chacun
(comme disoit vn ancien) est l’artisan de sa fortune.

Si on prend garde au sens, à l’industrie, & au iugement, on
trouuera que la vertu surmonte tout, & que iamais elle ne
nous abandonne si premierement nous ne la delaissons (c’est
à dire si nous ne nous écartons des sentiers qu’elle nous a tracez)
ny mesme qu’elle ne donne iamais rien aux hommes, si
la donation n’est mutuelle & reciproque. C’est pourquoy vn
certain souhaitoit plutost vn gouffre de sagesse qu’vne goute
de fortune : Car la prudence acquiert souuent la bonne fortune,
au lieu que la fortune ne sçauroit donner la prudence.

Tymothée fils de Conon fut fort fasché de ce qu’on l’auoit

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