Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.
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comme d’vn brigand ou d’vn voleur. Et partant
nous vous prions de tout nostre cœur, Seigneur Coriolanus,
de vouloir oublier l’injure que vous auez receuë iniustement,
& d’accepter & accorder vn heureux, salutaire &
honnorable retour en vostre patrie & en vostre maison, où
est vostre pauure mere, vostre chere femme, vos aimez &
chers en fans qui sechent de douleur & de tristesse de vostre
absence, & mesme depuis qu’on leur a fait sçauoir que vous
venez à main armée pour les mettre au tranchant de l’espée
auec les autres. Ce discours eut tant de force sur l’esprit de
Coriolanus ; joint à cela que Veturia sa mere, & sa femme
Volumnia le vindrent trouuer, portans ses petits enfans entre
leurs bras, & fondans tous en l’armes, qu’il fit paix aussi-tost
auec les Romains, & cessa de faire la guerre à sa patrie.

 

Si l’on ne sçauoit pas combien les guerres ciuiles apportent
de miseres : & si nostre France n’auoit pas elle-mesme
seruy de theatre, il n’y a pas long-temps, pour en representer
les cruautez ; Ie rapporteray icy cette sanglante guerre
ciuile de Marius & de Sylla, qui remplit toute l’Italie de
sang, & qui fit par tout vne horrible & espouuentable boucherie.
Comme ces deux monstres de cruauté furent tous
deux maistres de Rome & de l’Italie, l’vn apres l’autre, &
firent par consequent massacrer tous ceux qu’ils pouuoient
trouuer de contraire party ; c’est vne chose effroyable combien
il y eut de sang respandu. Le pere égorgeoit le fils, le
fils le pere ; Il n’y auoit aucune pieté qui pût arrester le cours
de ce desordre, tant on estoit acharné les vns contre les autres.
Mais la guerre ciuile qui fut suscitée quelque temps
apres par Pompée & Cesar, & ce continua par le Triumvirat
d’Octauius, Antonius & Lepidus, contre Cassius &
Brutus, fut bien plus sanglante. Cette guerre dura trente-deux
ans & se respandit presque par tout le monde qui lors
estoit en la sujetion du peuple Romain, & s’en ressentirent
les peuples du Leuant du Couchant, du Septentrion, &
du Midy : Il fut verifié que dans ces troubles là, depuis leur

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Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.