Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.
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ses Gentilshommes, les vint charger en leur retranchement,
pour les attirer au combat. Arteuelle, non pas comme vn
brasseur de biere, mais comme vn grand Capitaine, tourna
ses troupes auec tant de d’exterité, que l’armée du Comte
eut le Soleil aux yeux. Sur ce subit destour, se voyant à son
iour contre les gens du Comte, s’en va resoluëment à la charge,
eslançant ce gros escadron ramassé, & resout à la mort,
& le faisant fondre sur eux, comme vn grand amas d’eaux se
débonde tout à coup trouuant quelque ouuerture. Les premiers
rangs incommodez des rayons du Soleil qui leur
esbloüissoit les yeux, & ne pouuant porter vn tant insupportable
fardeau, font iour, & en retournant le dos mettent
tout le reste en desroute. Les Gantois dans cét auantage déchirent
tous ceux qu’ils rencontrent, comme loups affamez
apres vn troupeau de brebis dans le pare. Cette braue noblesse
fut chamaillée & tuée. Le Comte crie, prie, court,
mais en vain : le plus vaillant estoit celuy qui auoit vn meilleur
cheual ou meilleurs jambes pour s’enfuïr à vauderoute.
La retraitte estoit fort prés à Bruges, la foule s’y escoule
comme l’eau qui a son cours : le Comte y entre auec les autres,
ayant perdu sa peine à ramasser ses gens, & s’enferme
dans son Chasteau. Mais il y eut encore plus, les Gantois suiuant
la file, tuans & pour chassans les fuyarts, entre pesle-mesle
auec eux dans Bruges, & gagnent la porte. Alors Arteuelle
ayant promprement pourueu à la garde d’icelle, les
Gantois victorieux, s épendent par la ville, crians contre les
vaincus, ville gagnée ; & pour les bons citoyens, liberté ;
tuans tout ce qu’ils trouuoient fauoriser le Comte, cherchans
par-cy par-là les maisons de ses seruiteurs, & crians
qu’on espargna les bons citoyens. Le Comte à ce bruit, prevoyant
que son ennemy iroit droit à luy, sans marchander
quitte ses beaux habillemens, & prend le moindre vestement
d’vn sien valet, & ainsi sort de son chasteau pour chercher
retraitte. A peine estoit-il sorty, que voila son chasteau
enuironné, aisément pris, foüillé, pillé, pendant qu’il se
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Anonyme [1652], LETTRE RENDVË AV ROY EN PARTICVLIER, Pour luy representer les dangers ausquels les Princes exposent leurs Estats en poussant à bout la patience de leurs Peuples. Prouué par les Exemples tirez des Histoires Anciennes & Modernes, Estrangeres & Domestiques. , français, latinRéférence RIM : M0_2254. Cote locale : B_2_34.