Anonyme [1652], LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du vingt-neufiesme Decembre 1651. , français, latinRéférence RIM : M0_3648. Cote locale : B_11_22.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 30 --

A-t’il trahy le Roy, vendu l’Estat, & liuré à l’Espagnol les
forces de la France ? Ou est-ce peut-estre qui ayant respandu
les Charges, les honneurs, les finances du Royaume, en liberalitez
& en largesses continuëlles enuers ces Princes, pour
les attacher plus estroittement à l’interest du Roy, & ne leur
laisser aucun pretexte de se plaindre, ils l’ont abandonné,
quand ils ont iugé qu’il ne pouuoit plus leur estre vtile, & ont
resolu de luy declarer la guerre, non pour auoir commencé
à leur procurer du mal, mais pour auoir cessé de leur bien-faire ?
Car il arriue tres-souuent aux hommes de n’auoir de la reconnoissance
des anciens biens-faits, que par l’esperance d’en
receuoir encore de nouueaux. Ils ont coustume d’oublier les
dons qu’on leur a faits, aussi-tost qu’ils en voyent la source
tarie & consumée. Et comme la vie ne subsiste que par vn vsage
perpetuel des alimens, qui la peuuent conseruer ; aussi la
gratitude en certaines ames, ne s’entretient que par vne suite
continuëlle de faueurs, & ne dure qu’autant que durent les
graces, dont elle a tiré son origine.

 

C’est-là le seul & l’vnique changement que l’on remarque
dans le Cardinal, c’est en quoy seulement il est deuenu different
de luy-mesme, depuis que ces grands Princes ont
paru si absolument contraires à eux-mesmes, & qu’il a perdu
l’amitié, & la protection, dont ils l’honoroient auparauant.
Ils l’ont aymé & appuyé de toutes leurs forces, quand il a eu
dequoy les rendre riches & puissans, & il est tombé dans leur
disgrace, quand il est tombé dans l’impuissance de les enrichir
encore, & de les esleuer comme on a veu qu’il a fait peut-estre
auec excez : ayant comblé Monseigneur le Prince de
gratifications immenses, dont nous auons marqué cy-dessus
les principales, & entre-autres aduantages, fait pouruoir son
Altesse Royale de l’vn des plus grands, & des plus considerables
Gouuernemens du Royaume, contre les maximes les
plus asseurées de la bonne Politique, qui ne permettent gueres
que l’on abandonne aux Enfans de France & aux autres
Princes du sang Royal, qui n’ont desia que trop d’authorité
par l’éclat de leur naissance, les Places, les Prouinces, & les
Frontieres de l’Estat. Et ainsi l’on peut dire auec justice, que

Page précédent(e)

Page suivant(e)


Anonyme [1652], LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du vingt-neufiesme Decembre 1651. , français, latinRéférence RIM : M0_3648. Cote locale : B_11_22.