Anonyme [1649], LE TOMBEAV DE LA MEDISANCE. , françaisRéférence RIM : M0_3780. Cote locale : A_7_59.
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nous nous aimons plus que les autres, nous sommes
bien aises d’auoir lieu de nous estimer d’auantage, pour
nous estimer d’auantage, il faut trouuer des deffauts en autruy
qui ne soient pas en nous, ou quand mesme ils y seroient,
l’amour propre nous ferme les yeux pour nos défauts,
& nous les ouure pour ceux d’autruy. C’est de là
que prouient cette maligne inclination que nous auons
pour la medisance, & que nous lisons si auidement les censures
des actions, & des ouurages d’autruy. C’est de là que
sont prouenus tant de papiers volans depuis nos troubles,
tant de sottises & tant de malices.

 

Tout le monde sçait l’origine de la satyre, le nom mesme
l’a fait assez connoistre, mais quelque chose que l’on puisse
dire en sa faueur, ie croy qu’elle a tousiours eu pour objet
la medisance & la calomnie, plustot que la verité, & que
la iustice. L’on nous dit que les Anciens prenoient de faux
visages, & se déguisoient en satyres, pour monter sur le
theatre où ils debitoient auec vne liberté iniurieuse tout ce
qu’ils sçauoient des débauches, des friponneries, & des maluersations
de leurs concitoyens, ils penetroient dans les
secrets de toutes les familles, mais ils ne s’attachoient qu’aux
imperfections, & ne se mesloient que de dire du mal. Cette
liberté fut reprimée par les loix, qui defendirent de
nommer les particuliers, mais elles permirent de declamer
contre le vice. Nous auons de belles inuectiues tant de Poëtes
que d’Orateurs, où nous voyons encore le fiel de leurs
vers & de leurs proses.

Tout ce que ie viens de dire est pour tomber dans mon sujet,
qui est le Tombeau de la medisance. En effet, n’est-ce pas
vne honte à des Chrestiens de n’auoir pas autant de charité
que les Idolatres qui conclurent enfin qu’il faloit epargner
le nom des personnes, & que l’on ne deuoit declamer
que contre le vice, sans nommer les vicieux. Sans doute
la satyre est deuë au vice comme le panegyrique à la vertu,
toutes les bouches & toutes les plumes se doiuent occuper

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Anonyme [1649], LE TOMBEAV DE LA MEDISANCE. , françaisRéférence RIM : M0_3780. Cote locale : A_7_59.