Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT, A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : C_10_29.
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des Illustres, qui ne meritoient de mourir que sur les rempars de Constantinople.

 

Adioustez, MADAME, que les Villes reuoltées feront tarir toutes
les veines de vos Finances, qui ayant esté employées pour le mal, ne
vous laisseront pas la liberté de faire le bien quand vous le voudrez. Ie dis
plus, que par ce moyen vous auez monstré au Peuple ses forces, qu’il deuoit
ignorer, de peur que ce qui s’est fait en vne bonne cause, ne se face
vne autre fois en vne mauuaise. Et ce qui passe encore tout ce qu’on sçauroit
dire, c’est que ce malheureux dessein releue les Ennemis abbatus, &
ruine les conquestes du feu Roy vostre tres-honoré Espoux, qui ont
cousté tant d’or & de sang, qu’il suffisoit pour acheter plusieurs
grands Royaumes. En perdant tout cecy, vous ne gagnez rien : car cette
authorité, que vous pretendez maintenir par cette rigueur, n’estoit
point blessée. On sçait bien que les Regens & Regentes des Royaumes
ne sont pas les Originaux de l’authorité, mais les Depositaires : & que
s’ils veulent entreprendre par delà les anciens ordres du Royaume, on
leur peut opposer la Loy sans les offenser. Si V. M. eust pris cette opposition
ciuilement, elle n’estoit nullement interessée. Mais les Grands ont
des delicatesses de gloire, qui ne leur permettent pas tousiours de voir la
verité. Vostre Maiesté a mis maintenant l’affaire à ce poinct, que si la resistance
emporte sur elle, son authorité s’abbat ; & si vous surmontez autrement
que par la clemence, vous la rendez rude & malfaisante, & telle
qu’elle n’est plus à l’vsage de cette Monarchie. Nos Rois mesmes, tout
maieurs & tout absolus qu’ils ont pû estre, n’ont iamais creu que leurs seules
volontez fussent la regle de toutes les Loix Ils ont estimé, que leur
grandeur estoit de gouuerner le Royaume selon les Ordonnances anciennes
de l’Estat de France, de faire approuuer leurs Edits par les Cours
Souueraines, de demander conseil, d’escouter les remonstrances, & de
ne se point piquer des oppositions respectueuses qu’on leur a faites de tout
temps pour le bien de la Iustice, & la grandeur de leur Estat. Ce Ministre
si absolu, qui estoit Eccentrique presque en toutes actions, a tiré cette
Monarchie de son centre, & l’a extremement disloquée : Les exemples
doiuent donner plus d’horreur, que d’enuie de les imiter. A moins qu’on
disputast la Couronne du Roy vostre fils, V. M. ne sembloit pas deuoir
employer cette rigueur contre des Suiets si doux & si dociles, qui ont
des passions immortelles pour le Roy vostre fils, leur Dieu-donné,
qu’ils aiment & honorent iusques à la veneration, & soustiendront iusques
à la derniere goutte de leur sang. Apres cela, MADAME, voudriez-vous
continuer ces tristes resolutions, de faire vn anatheme de cette
Ville, & de l’abysmer sans ressource ? Si vostre Conseil s’imagine, que
c’est vne iustice de ruiner Paris : Vostre Royaume croit que c’est vne plus
grande iustice de le conseruer pour le Roy vostre Fils. Si vostre Conseil
iuge qu’il le faut faire perir de faim : La Loy de nature qui est plus ancienne
que les Sceptres, dicte à vostre peuple qu’il doit faire le possible pour

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Anonyme [1649], LE THEOLOGIEN D’ESTAT, A LA REYNE. POVR FAIRE DESBOVCHER PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_3770. Cote locale : C_10_29.