Anonyme [1652], LE MERCVRE DE LA COVR, CONTENANT La Harangue des Deputez. La Response du C. M. La Trahison du Duc de Loraine. Le Magazin des Recompenses dudit C. M. Et celuy des Princes. TROISIESME PARTIE. , français, latinRéférence RIM : M0_2452. Cote locale : B_18_3.
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Le Mercure de la Cour, contenant
la Harangue des Deputez, &c.

Response du sieur B.

MONSEIGNEVR, Vostre Eminence a
grande raison de ne pas hazarder sa personne
de la sorte, les gens de vostre
estoffe sont rares, la France y perdroit
beaucoup, mais le Roy & la Reine encor dauantage,
non, ie suis d’auis que vous fassiez vostre
mestier, quand chacun se mesle de son mestier
les vaches sont bien gardées, laissez seulement
casser la teste à ceux qui sont plus fols que
vous : cependant tout ce qui me choque, c’est de
leuer ainsi honteusement le siege, mais necessitas
non habet legem, s’il le faut, le faut, racommodez
cette affaire deuant le Roy le mieux que vous pourrez,
car si quelqu’vn deuant Sa Majesté vouloit
vous mettre en parallele auec ce grand Cardinal de
Richelieu, & qu’il vint rapporter le siege de la Rochelle
auec celuy d’Estampes, qui n’est qu’vn village
au prix, ie vous asseure qu’il y auroit sujet de
vous railler, cependant pour prendre vos mesures,

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enuoyez vn Courier sçauoir combien ces enragez
peuuent encor tenir de temps.

 

Le Sieur B. n’eut pas plustost acheué de parler,
que voicy le Courier du Mareschal de Turenne qui
demandoit à parler à Son Eminence, dequoy estant
auertie, elle s’escria, mes amis, nous sommes perdus,
qu’on le fasse entrer, aussi-tost il commença
à parler de la sorte : Ie viens auertir V. E. que Monsieur
le Mareschal de Turenne a plié bagage, quoy
il a leué le siege, luy dit Mazarin. Il est deslogé
sans trompette. Maz. Il n’a donc pas donné l’assaut
general qu’il nous promettoit. Le Cour. Ho,
ho, vous parlez bien à vostre aise, ie croy que vous
ne faites pas plus d’estat de nos testes que de celles
des oignons, vous les mettez à toute sausse, auiez-vous
vingt mille hommes pour y hazarder, que
diable n’y veniez vous vous mesme ? Maz. Mais il
s’y agissoit de l’honneur du Roy. Le Cou. Vrayement
vous me la baillez belle, vous prendrez donc
tousiours ce pretexte-là, pour nous faire assommer,
hé bien c’en est fait, prenez seulement garde à vostre
vaisselle ; car ils court vn bruit qu’on vous veut
venir assieger icy. Maz. Et qui ? Le Cour. Les
Princes. Maz. Ils ne sont pas si fols, ce n’est pas ce
qu’ils cherchent, si Mazarin estoit mort il y en auroit
bien de camus, les Princes m’appuyent & ie
fortifie leur party, ainsi nous nous obligeons l’vn
l’autre en nous faisant la guerre : car plus les Princes
s’obstinent à demander mon esloignement,

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plus le Roy s’endurcit & s’obstine à me conseruer :
& plus il me veut conseruer, plus les Princes trouuent
de partisans parmy les peuples qui me hayssent,
ainsi quoy qu’ennemis nous faisons l’vn pour
l’autre.

 

Comme ils raisonnoient ainsi, il vint vn
Exempt auertir S. E. de la part de la Reine, que le
Roy alloit donner audience aux Deputez, &
qu’elle auoit fait cacher vn cabinet d’vne tapisserie,
afin qu’il allast se mettre dedans, d’où il pourroit
tout entendre, ce qu’il fit promptement, renuoyant
ledit Courier, & emmenant l’Abbé F. auec
luy.

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Anonyme [1652], LE MERCVRE DE LA COVR, CONTENANT La Harangue des Deputez. La Response du C. M. La Trahison du Duc de Loraine. Le Magazin des Recompenses dudit C. M. Et celuy des Princes. TROISIESME PARTIE. , français, latinRéférence RIM : M0_2452. Cote locale : B_18_3.