Anonyme [1651], LE MANIFESTE VERITABLE DES INTENTIONS DE MR LE PRINCE, QVI NE TENDENT qu’au restablissement de l’authorité Souueraine, & du repos des peuples. Presenté à Nosseigneurs de Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_2404. Cote locale : B_14_23.
SubSect précédent(e)

LE MANIFESTE VERITABLE DES INTENTIONS
de Mr le Prince, qui ne tendent qu’au restablissement de l’Authorité
Souueraine, & du repos des Peuples.

A NOSSEIGNEVRS DE PARLEMENT.

LES Escriuains de Monsieur le Coadiuteur ont beau se donner de la
peine, pour tâcher de décrier la conduite de Monsieur le Prince ;
quelques bien-disans qu’ils soient, & quelques beaux déguisemens
qu’ils puissent donner à leurs impostures, ils ne les feront iamais agreer que
des simples ; Encore ne crois-ie pas que ceux-là mesme soient capables d’en
estre abusez, à moins qu’ils ne soient aueuglément attachez à leurs premiers
sentimens ; & fermement resolus de n’en demordre point, quelque euidence
qu’on leur donne, pour leur faire voir que toutes les intentions de Monsieur
le Prince ne tendent qu’au restablissement de l’Authorité Royale, & à la
tranquillité publique.

Pour disposer les esprits à la creance de cette verité, ie les supplie tres-humblement
de considerer, que de tous les accusateurs de la conduite de
Monsieur le Prince, il n’en est pas vn seul qui ne soit interessé pour empescher
la reconciliation de cet Heros auec leurs Maiestez, tant à raison de l’attachement
qu’ils ont auec le Mazarin, qu’ensuitte d’vne ie ne sçay quelle
necessité, que l’honneur imaginaire leur impose, de ne laisser point prevaloir
le party, qu’ils ont commencé d’attaquer par vn motif de vengeance, Et l’euidence
qu’ils ont, que c’est par la seule diuision de la Maison Royale, qu’ils
subsistent, ne leur permet pas d’inspirer d’autres sentimens à leurs Maiestez,
que ceux qui sont capables de fomenter cette funeste desvnion dans leurs esprits.

De grace, qui sont ceux qui passent auiourd’huy dans l’Estat pour les sinceres
& veritables ennemis du C. M. & qui mesme pour cet effet ont vne
approbation generale de toute sorte de monde ? N’est-ce pas S. A. R qui l’a
si vigoureusement chassé de l’Estat ? N’est-ce pas Monseigneur le Duc de
Beaufort qu’on n’a iamais pû faire flechir dans l’heroïque dessein de mourir
l’Ennemy de cet Ennemy du [1 mot ill.], des Peuples ? N’est-ce pas Monseigneur
le Duc de Nemours qu’on a tousiours veu voler à la teste de ceux qui voudroient
se declarer contre cet insolent Ministre. N’est-ce pas Monsieur le Mareschal
de la Mothe, que les Victoires de Catalogne ne rendent pas plus glorieux,
que l’honneur d’auoir tousiours vescu l’ennemy le plus mortel du C.
M. La deduction que ie pourrois faire de mille autres genereux seroit trop
[1 mot ill.] ; il me suffit de dire, qu’outre que ceux-là sont sans reproche, & generalement
approuuez pour estre veritablement contraires au party Mazarin,
& tres-fauorables à la tranquillité des Peuples, ils sont encore les inuincibles,
approbateurs de l’innocente conduite de Monsieur le Prince.

Desinteresse-toy, mon Lecteur, & [1 mot ill.] vn peu les yeux sur tous les
accusateurs de Monsieur le Prince, considere auec reflection, s’il en est vn
seul parmy tous ceux-là, qui ne soit ou [illisible], ou bien l’ennemy de ce
Heros, par le motif de ie ne sçay que[illisible] apres cela,
sans appeller à cette consultation que toy-mesme, si ce n’est pas vn grand

-- 4 --

preiugé de l’innocence de Monsieur le Prince, que de voir, qu’il n’est accusé
que par ses ennemis, ou par les ennemis de l’Estat, & qu’il est à mesme temps
iustifi par le suffrage de ceux, qui sont generalement approuuez de tout le
monde.

 

Apres cette verité, qui fait voir que Monsieur le Prince est coupable, parce
qu’il est ennemy de nos ennemis ; Voyons encor, cher Lecteur, pour le
iustifier dauantage, quels sont les sujets du mescontentement, en suitte duquel
on le veut traitter auec cette rigueur Monsieur le Prince pour reuenir
en Cour, demande qu’on luy donne quelque seureté auprés de leurs Maiestez :
Si cette proposition est desraisonnable, elle marque quelque autre dessein,
auquel elle sert de pretexte, comme les Mazarins pretendent : Si elle est
raisonnable, on peut dire aussi que le refus qu’on fait à Monsieur le Prince,
de luy donner quelque seureté, n’est pas trop bon augure : Examinons-là de
part & d’autre.

Pour monstrer que cette demande de Monsieur le Prince est desraisonnable ;
il faut faire voir que Monsieur le Prince n’a pas raison de se deffier ; pour
conclure puis apres par vne consequence infaillible, que s’il a raison de se
deffier, sa demande est donc tres-raisonnable. C’est ce que ie m’en vay faire
sans passion.

Comme l’iniuste emprisonnement de Monsieur le Prince ne fut resolu
qu’ensuitte des oppositions qu’il auoit formé à l’ambition du Cardinal Mazarin,
aussi sçait-on que l’eslargissement ne fut accordé, que lors que ce Ministre
ne peut resister à toute la France, qui vouloit r’auoir son Conquerant,
à quelque prix que ce fust : Cela est certain Cét eslargissement donc estant
vn pur effet des poursuittes de toute la France, malgré les resistances du Mazarin
& des Mazarins ; il est à croire que ces ennemis de l’Estat n’en ayant
fasché la prise que par force, n’ont pas du moins perdu la resolution, ou de
l’obliger à s’attacher à leur party par l’apprehension d’vn semblable traittement,
ou de le r’engager dans leurs rets, à la premiere occasion.

Ie presume cela, de ce que Monsieur le Prince n’ayant esté emprisonné,
que pour s’estre opposé au succez de ie ne sçay quelles pretentions du Mazarin ;
il ne se peut, lors qu’il s’opposera à toute la fortune du mesme Mazarin ;
qu’on ne brasse à plus forte raison le dessein de s’en défaire vne seconde
fois ; & cela d’autant plus asseurement, que moins ils verront de iour à sa deliurance,
pendant sa Majorité.

Monsieur le Prince voyant donc que la generosité & la Iustice luy deffendent
de signer le retour de ce Ministre, comme il en a esté en vain persecuté
pendant quelques mois ; & voyant à mesme temps que ceux qui sont interessez
à ce restablissement, sont les maistres, & presque les dispensateurs de
la faueur. Ie vous laisse à penser, mon cher Lecteur, si Monsieur le Prince
n’a pas grande raison de croire que les approches de la Cour luy sont dangereuses.

On me respondra, peut-estre, que ie fonde mon raisonnement sur vne
fausse supposition : puis qu’en disant que M. le Prince doit s’opposer au restablissement
du Mazarin, ie semble donner tacittement à connoistre, qu’on
est en dessein de le restablir, ce que le party contraire pretend estre faux, du

-- 5 --

moins en apparence : Mais il me semble, mon cher Lecteur, qu’on n’a ny
droit, ny raison de nous vouloir obliger à croire, ce que toutes les apparences
du monde dementent visiblement : Et puis qu’il est vray, comme ils
pretendent, que le C. Mazarin est prescrit pour iamais ; & que mesme il est
important pour la Cour, que nous viuions en cette creance ; Pourquoy ne
nous donne-t’on suiet de le croire.

 

On sçait, on voit plutost quelles Mazarins sont les seuls bienuenus auprés
de leurs Majestez ; que les ennemis declarez du C. Mazarin passent
pour les ennemis de la Cour ; que toutes les charges de l’Estat, les gouuernemens
de nos armées, & de nos plus fortes places, sont entre les mains des
Mazarins ; qu’on prend le soin de pouruoir aux reuenus que Mazarin a
dans l’Estat ; que le Prince qui s’est allié du Mazarin, & que par mesme raison
est obligé de trauailler à son restablissement, est tout puissant auprés de
leurs Majestez ; & neantmoins on pretend que nous auons sujet de croire,
que Mazarin est chassé, & qu’il est chassé sans qu’il y ait aucune resource
pour son restablissement. Qu’en dites-vous, mon cher Lecteur ? M le
Prince ne seroit-il point prodigue de son honneur, & de sa vie, si sous pretexte,
que les Mazarins seuls nous veulent faire croire, que Mazarin est
perdu, il auoit encore assez de facilité pour se tenir en des lieux, où ils tranchent
des Souuerains ?

Vous remarquez encore pour vne plus entiere iustification de M. le Prince,
que son mécontentement ne procede que d’vn principe general ; & qu’il
ne se plaint que de ce dont toute la France a sujet de se plaindre auec luy.
Cela, ce semble, veut dire, mon cher Lecteur, que la demande que M. le
Prince fait d’auoir sa seureté, & celle des peuples, n’est que trop raisonnable,
puis que, comme il appert à tout homme de sens, il n’a que trop
de raison de se defier de la conduite de la Cour. Ie deffie qui que ce soit de
pouuoir repartir, sans biaiser à ce raisonnement.

Il faut maintenant sçauoir qu’elles sont les intentions de M. le Prince ;
car c’est le seul poinct qui trauaille beaucoup tous ceux qui ne sont pas bien
instruits sur les affaires du temps. Ses ennemis, c’est à dire, ceux qui disent
que les motifs de son mescontentement, sont des pretextes ; tombent d’accord
auec moy, que les desseins de Monsieur le Prince, ne vont pas à la
ruine des peuples, puis que mesme il est blasmé de flatter trop ouuertement
leurs passions, ce qui ne se peur, à moins qu’il ne reconnoisse qu’il a besoin
de leur assistance, & que par consequent, il ne soit obligé de n’entreprendre
rien, qui les puisse offenser : En effect, mon cher Lecteur, il est trop probable,
que M. le Prince ne voudra point se charger de la haine des peuples,
apres l’experience qu’il a eu que c’est par ce foible, que les Mazarins l’ont
desia attaqué vne fois ; & qu’il sera par mesme raison inuincible, tandis qu’il
menagera sagement leur affection.

Si M. le Prince n’a donc point de dessein d’attenter sur le repos des peuples,
comme ses ennemis mesme l’aduoüent en disant qu’il en menage bien
plus prudamment, qu autresfois l’affection ; il s’ensuit necessairement qu’il
n’a non plus d’intention de choquer l’authorité Royale puis que le maintien
de celle-cy, estant inseparable d’auec le repos des peuples, il ne peut à

-- 6 --

mesme temps auoir de dessein d’espargner l’vn, & d’interesser l’autre. Outre
qu’il est tellement important pour luy, que l’authorité Royale soit dans
son entier, qu’il faut necessairement qu’il en partage la breche, puis qu’il
vray que M. le Prince n’a d’esclat que par reflection d’elle à luy, & que son
esleuation n’est rien autre chose, qu’vne des plus hautes marches de la souueraineté
qui ne peut se raualler, sans le raualler par consequent ; n’y rehausser
son faiste, sans rehausser a mesme temps sa condition de ceux qui
l’approchent.

 

Voila donc ce que M. le Prince ne pretend point : il n’est pas moins interessé
à menager le repos des peuples, qu’à soustenir l’authorité Royale,
puis qu’il ne peut troubler l’vn, sans disposer les affaires à sa perte ; ny attenter
sur l’autre, sans estre asseuré d’en ressentir tous les coups par reflection.
Qu’est ce donc qu’il pretend ? quelles sont ses intentions, ie pense, mon
cher Lecteur, que m’en vais les toucher si éuidemment, que les plus interessez
mesmes ne pourront me desaduoüer dans cette deducton.

Il ne suffit pas d’auoir auancé que M. le Prince n’en veut ny au repos des
peuples ny à l’authorité Royale, ie veux outre cela faire voir qu’il veut rasseurer
le premier, & remettre la seconde dans le haut éclat dont elle est decheuë :
c’est ce que ie m’en fais prouuer dans vn raisonnement que les gens
d’honneur estimeront à l’espreuue.

L’ambition des Fauoris, & le desir insatiable qu’ils ont d’agrandir toute
leur parenté auec eux, a esté de tout temps comme les histoires font soy,
la source des desordres & de toutes les desolations publiques. Le Regne du
feu Roy ne met que trop cette verité dans l’éuidence, & celuy de son fils
nous l’a fait toucher au doit : la raison mesme n’en est pas trop difficile ; parce
que la premiere & la plus naturelle passion, qu’ont ces idoles de fortune ;
lors qu ils se voyent dans la confidence de leur Souuerain ; c’est de s’y mettre
à l’espreuue de la jalousie, de ceux qui ne pouuant les voir dans cette éleuation
sans enuie, ne manqueront sans doute point, de se seruir de toutes
sortes de ruses pour les en faire déchoir.

Pour se mettre donc en estat de repousser tous les assauts de leurs enuieux,
il est expedient qu’ils agrandissent leurs plus proches, ou qu’ils se jettent
dans l’alliance des plus releuez, pour en grossir vn party, duquel ils puissent
appuyer la grandeur de leur fortune : Cét agrandissement des plus proches
ne pouuant reüssir qu’en leur procurant toutes les plus belles charges
de l’Estat ; & leur alliance ne pouuant estre acceptée, qu’à condition que
l’argent & l’or en releueront la bassesse par leur éclat ; il ne se peut que la
distribution de ces charges, ne iette l’enuie dans les esprits de ceux qui sont
destinez par leur naissance pour les remplir ; & qu’il ne faille faire des leuées
de deniers prodigieuses, pour fournir à ces grandes depenses, sans lesquelles
ils ne pourroient iamais entrer dans l’alliance des grandes maisons,
rehausser mesme la qualité de ces proches, qu’ils voudroient esleuer à quelque
chose de plus esclatant.

Ie demande apres cela, mon cher Lecteur, s’il est possible que l’enuie
s’empare de l’esprit des grands, sans aucun danger de desordre ; & que ces
Fauoris fassent tant d’impositions sans incommoder les peuples : il faudroit

-- 7 --

ignorer ce que nous auons veu, pour ne voir pas que c’est l’auarice & l’enuie
qui ont acheminé les affaires à cette dangereuse extremité ; & que par
consequent celuy qui pourroit boucher ces deux sources intarissables de
tous les malheurs des peuples, meriteroit d’estre regardé comme l’Ange Tutelaire
de la tranquillité de l’Estat.

 

Agréez s’il vous plaist, mon cher Lecteur, que ie fasse voir cét auantage
dans les pretentions de Monsieur le Prince ; & que ie vous oblige de confesser
auec tous les desinteressez, que ses intentions ne tendent à autre fin.

Il n’est iamais plus à craindre que ces Fauoris s’emparent ainsi si souueraiment
de l’affection & de l’authorité mesme de leur Souuerain, que lors que
les Roys passent dans leur Maiorité : c’est lors que se trouuant les maistres de
leurs inclinations, ils les font pancher vers qui bon leur semble ; & choisissent
ordinairement pour estre les confidents de tous leurs desseins, non pas
des personnes qu’ils iugent les plus capables, mais celles qu’ils estiment les
les plus complaisantes à leurs plus maistresses inclinations. Gaston Phebus
Roy de Nauarre, ne choisit pour son premier Ministre vn certain Baron
d’Angosle, que parce qu’il auoit les cheueux blonds comme luy. Charles le
Mauuais ietta dans sa confidence vn Comte d’Arblay, parce qu’il l’auoit veu
rire le iour que sa femme & ses enfans furent accablez sous la ruine d’vne
la ruine d’vne maison, & qu’en cela mesme il simbolisoit plus parfaitement
auec son pernicieux naturel. Charles premier Roy de Sicile donna le timon
de son Royaume à vn certain Baron d’Ornaro, parce qu’il passoit dans sa
Cour pour l’Aimant de toutes les belles, & que tout le sexe suiuoit apres luy
comme apres le Dieu de l’amour. Nallons pas rechercher des exemples de si
loin ; par quelle porte est ce que le Connestable de Luines entra dans le cœur
du feu Roy ? n’est-pas parce que pendant son enfance estant son page, il auoit
eu l’addresse de le gagner auec certains petits Passereaux, qu’il faisoit venir
en les appellant de loin.

Il n’est donc que trop probable que les entrées des Majoritez sont fort à
craindre ; & que mesme les Roys ne se trouuans pas assez forts pour soustenir
tout le poids de leur Estat, sont bien aises de s’en delasser sur la conduite
de ceux, que leurs propres inclinations leur font choisir. C’est cette consideration,
Mon Lecteur, qui faisant apprehender vn semblable malheur pour
la France à M. le Prince, le fait interesser genereusement pour l’empescher,
& principalement pour ne permettre pas que le Mazarin qui est le plus à redouter,
sur l’apparence qu’il y a que ce malheureux a gagné sa Minorité pae
toute sorte de complaisance, ne vienne à s’emparer de son pouuoir. C’est
pour cette raison qu’il poursuit auec tant de iustice, l’establissement d’vn
Conseil, qui ne soit composé que de personnes des-interessées, sur lesquelles
nostre ieune Majeur ie puisse reposer auec asseurance du gouuernement de
son Estat, sans que les peuples en puissent murmurer ; & que l’authorité en
puisse aucunement estre interessé. Cette poursuite est elle iniuste ? n’est-elle
point fort aduantageuse au repos des peuples qui ne seront sans doute point
si succez, lors que les Fauoris n’auront pas le tymon en main, pour le manier
au gré de leurs caprices & de leur ambition.

-- 8 --

Monsieur le Prince ne sçauroit demander l’establissement d’vn Conseil
des-interessé, & pour cette fin estably par la participation de S. A. R. & des
Princes du Sang ; sans auoit vn parfait dessein, de faire refleurir l’authorité
du Roy dans sa premiere vigueur : puisqu’il est constant que les Fauoris n’ont
rien de plus ordinaire, que de plus pretexter l’authorité du Roy à leurs plus
pernicieux desseins ; & de se seruir tousiours de ce voile, pour couurir toutes
leurs plus mauuaises intrigues. Quel fut le pretexte du Mazarin, lors qu’il
emprisonna les Princes ? l’authorité du Roy : lors qu’il marcha contre les
Bordelois ? l’authorité du Roy : lors qu’il fit emprisonner Messieurs de Beaufort
& de la Motte ? l’authorité du Roy : Mais de grace, Mon Lecteur, quelle
en estoit la veritable raison ? n’est-ce pas d’oster le plus puissant obstacle de
son ambition, en s’asseurant de M. le Prince ? de restablir le Duc d’espernon,
dont il auoit destiné le fils pour vne de ses niepces ? & de perdre deux
Heros qui luy estoient importuns, parce qu’ils n’auoient assez de lascheté
pour luy estre complaisants ? qu’en est-il arriué ? il a exposé l’authorité du
Roy, qu’il pretextoit dans l’emprisonnement de M. le Prince, puis qu’il a
esté contraint d’en lascher la prise, & de receuoir le dementy de ses calomnies
par vne solemnelle iustification : il a exposé la mesme authorité du Roy
deuant Bordeaux, en ce qu’il la reduit à traitter auec ses sujets ; & leur accorder
par traitté, ce qu’il leur auroit refusé par amour : il l’a encor exposée,
lors que le succez a fait voir qu’il ne s’en estoit seruy que pour oppresser deux
Illustres Innocents.

Voilà les necessitez funestes, ausquelles les Fauoris sont bien souuent reduits ;
par la necessité de couurir tous leurs mauuais desseins, qu’ils sont encor
obligez de brasser par la necessité de se maintenir : Mais ces malheurs ne
seroient pas à craindre si le tymon d’vn Estat estoit gouuerné par plusieurs
mains desinteressées : parce que ne pouuant point pretexter l’authorité du
Roy leurs desseins particuliers, par la necessité que l’honneur leur impose
de n’embrasser que des generaux ; & par l’impuissance qu’ils ont d’en entreprendre
de particuliers ; il faut absolument qu’ils ne conspirent ensemble
que pour obuier à toutes les bresches, que les diuerses conjonctures d’Estat
pourroit faire à l’authorité Souueraine.

Monsieur le Prince est-il donc coupable, Mon cher Lecteur, puis qu’il ne
demande que sa seureté ? est il desraisonnable de la demander, puisque tous
ses ennemis & les nostres sont comme les maistres de la faueur ? a-t’il aucun
mauuais dessein contre nous, puis qu’il n’est en peine que de rencontrer les
moyens pour l’establissement de nostre repos ? En veut il à l’authorité du
Roy, puisqu’il ne poursuit que l’establissement d’vn Conseil, qui seul la peut
faire fleurir. Ne le, dissimulons point ; il faut que ce caractere luy soit empreint
sur le visage, pour entrer dans le nombre des Heros ; & qu’vne iniuste
persecution soit le dernier sceau d’vne vertu, qui ne seroit point la plus illustre
du siecle, si elle n’estoit pas le plus ordinaire sujet de l’enuie de tout ce
qu’il y a de lâche dans le monde.

FIN.

SubSect précédent(e)


Anonyme [1651], LE MANIFESTE VERITABLE DES INTENTIONS DE MR LE PRINCE, QVI NE TENDENT qu’au restablissement de l’authorité Souueraine, & du repos des peuples. Presenté à Nosseigneurs de Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_2404. Cote locale : B_14_23.